• La forge

     

    Peu de temps après son arrivée sur l'Élian, Shadow commença à envisager de reprendre son activité de forgeron. En effet, trois choses l'en convainquirent : l'état parfois douteux de certaines réparations (le cubisme a son charme mais question étanchéité à l'air, ou pire, à l'eau, ça reste moyen), de trop nombreuses lames émoussées qui n'avaient pas eu le temps d'être affûtées au cours des haltes de l'Élian et enfin l'arrêt chez le père de Grey où ils avaient effectué les réparations. Le manque d'une forge rendait le navire et son équipage dépendants de leurs arrêts au sol ce qui est triste pour des pirates de l'air. Shadow et Fenrir cherchèrent donc un lieu pour installer une forge. Il fallait que le lieu soit bien isolé et placé dans un endroit où le bruit ne dérangerait pas et où la fumée du four pourrait être facilement évacuée. Un bureau au premier sous-sol juxtaposant le Laboratoire de Kasai et qui avait été délaissé pour des raisons évidentes de commodité sonore sembla le choix idéal. Ensemble ils travaillèrent de longues heures pour installer les deux éléments principaux qu'ils avaient "empruntés" tant bien que mal à savoir le four qui ressemblait à une gueule d'animal hurlant et l'enclume qui posa quelques problèmes notamment pour la soulever. Fenrir et Shadow durent alors raccorder la sortie du four avec celle du four de la salle des machines afin de ne pas multiplier les sorties. A grand renfort de jurons aussi divers qu'imagés ils finirent par installer le four de manière à ce qu'il soit accessible et contre le mur qui séparait la Forge du Laboratoire. Il fallut ensuite le raccorder et donc trouver les sorties des conduits (brûlants car l'Elian était en vol) et joindre des tuyaux à l'aide de soudures réalisées dans des positions improbables (on a pu voir Shadow la tête en bas, ses lunettes vissées sur les yeux, suspendu au plafond de la salle des machines par les pieds pour déposer du métal fondu sur deux tuyaux biscornus et quasi inaccessibles). Il ne fut pas étonnant de voir les deux, couverts de suie à l'heure des repas (ceci entraînant, un jour pluvieux, une mise à la porte pure et simple sur le pont le temps que la pluie leur rende une apparence humaine). Vint alors le tour de l'enclume et son lot d'ecchymoses voire de blessures plus graves. En effet, en tentant d'ouvrir une porte pendant qu'elle soulevait l'enclume, les mains pleines de poussière de Fenrir lui jouèrent un tour et celle-ci échappa l'enclume sur son pied. De même, l'enclume simplement posée au centre de la salle glissa lors d'une manoeuvre de Lucky et coinça Shadow le long du mur, le forçant ainsi à souffrir une heure avant que Fenrir vienne le délivrer. Une triple fracture des orteils d'un côté et une belle luxation de la hanche de l'autre (merci Grey pour les soins) n'avaient pas entamé le moral des deux pirates et enfin ils touchaient au but : les éléments principaux étaient là, bien fermement fixés au sol (Shadow avait quelque peu insisté sur ce point). La porte et les murs furent ensuite blindés et isolés afin que la chaleur ne se dissipe pas dans tout le navire ce qu'il l'aurait rendu invivable. Enfin Fenrir fit un cadeau à Shadow à l'insu de celui-ci en bricolant un petit système afin que le forgeron n'ait qu'à actionner un levier pour enclencher une machine qui elle-même actionnait le soufflet nécessaire à une bonne combustion. Il s'avéra que cette ingénieuse invention était également capricieuse et le jour où la barbe de dix jours de Shadow devint une barbe de deux jours avec une forte odeur de grillé elle prit un gros coup de marteau et rejoignit la classe des "matières premières potentielles" . Il ne fallut que quelques jours au forgeron pour prendre possession des lieux et transformer cet ancien paradis pour araignées en une fournaise incandescente. Lorsque l'on descendait au premier sous-sol, on tombait devant deux portes en métal (que bon nombre de membres de l'équipage avaient fini par appeler les portes de l'Enfer). A droite, le Laboratoire, son danger, ses explosions ; à gauche, la Forge, sa chaleur et ses flammes. Lorsque l’on poussait la porte de gauche on tombait sur un spectacle étonnant. En effet, autant le “propriétaire des lieux” était froid et méthodique, autant son environnement de travail était un capharnaüm ardent. Une chaleur infernal régnait dans la pièce et l’on pouvait voir les flammes rouges et noires danser dans le reflet des lunettes du forgeron qui abattait son marteau sur les pièces de métal chauffées à blanc. En entrant dans la pièce on voyait tout d’abord l’âtre contre le mur de droite qui ressemblait à une gueule en métal d’un animal mythique particulièrement pourvu de crocs. Le four béant, dont les flammes qui en sortent lui donne ce caractère effrayant, prend une large part du mur car il mesure environ deux mètres de long pour un mètre de haut, surmonté ensuite par une cheminée qui conduit les fumées à travers la coque vers l’extérieur. Face à celui-ci, au centre de la pièce, trônait fièrement l’enclume rivetée au sol par huit énormes boulons. Dans le fond de la pièce, le mur était découpé en deux parties. La partie basse était un établi où reposaient en vrac de nombreux outils comme des pinces, des marteaux, des limes, des scies… ainsi que les créations en cours mais non achevées. La partie supérieure était presque rangée et était constituée d’une étagère sur laquelle étaient suspendues ou posées toutes les commandes terminées, les lames particulièrement bien disposées contrairement aux autres créations plus ou moins en tas dénotant la nette préférence du forgeron pour le travail des armes. Le mur de gauche, lui, était en grande partie masqué par des piles d’objets hétéroclites, souvent démantibulés, se chevauchant, s’entremêlant, se répandant sur le sol se mélangeant ainsi avec les chutes des précédentes utilisations. Ces objets (allant de la poussette au reste d’un automate) étaient de métaux divers et variés et servaient de matière première aux futures commandes. Le seul élément qui était parfaitement rangé, propre, et bien disposé se trouvait derrière la porte un peu caché de la vue de tous. Shadow l'avait récupéré en même temps que l'enclume et le four sans en dévoiler la vraie nature à qui que ce soit. L'objet était un cristal noir, parfois nervuré de veines argentées et mesurait environ un mètre vingt de haut pour soixante centimètres de diamètre. Autant dire énorme quand il s'agit de noctalium. Car telle était la nature de l'objet, un cristal gigantesque de noctalium. Le noctalium est un matériau unique en son genre, en effet il ne peut être trouvé que sur le Dépotoir ou dans les quelques laboratoires qui ont tenté de le reproduire. Vu par le commun des mortels comme un matériau de décoration, extrêmement dur à travailler, il a des propriétés fantastiques. Issu de l'obsidienne présente dans la roche utilisée pour créer la base du Dépotoir, mélangée à du duracier qui formait la plateforme sur laquelle ont été installés les moteurs, ces deux matériaux se sont amalgamés et ont fusionné ensemble sous l'effet de la pression lors de l'élévation originelle du Dépotoir dans les airs. Le matériau ainsi créé appelé noctalium est à la fois léger et extrêmement résistant. Shadow connaît bien ce matériau car les lames de Darkness et Requiem en sont constituées et c'est pourquoi il garde le secret un peu jalousement. On ne peut travailler ce matériau, si léger soit-il, que d'une manière : quand l'attraction de la lune est minimale et que des vibrations le parcourent de manière continue pendant qu'il est chauffé à blanc. Au contraire, le contact du sang durcira et aiguisera la lame. C'est pourquoi, lors de quelques rares nuits sans lune, à travers la porte blindée de la Forge, on peut entendre s'élever un chant grave mais mélodieux dans une langue guttural qui indique que Shadow forge une lame en noctalium. Cherchez le lendemain il aura un air fatigué, le bras droit pansé et un beau cadeau à faire..

    Ah si vous avez une demande particulière pour Shadow en matière de métal, n'hésitez pas il est là pour ça. Par contre si vous entrez dans la Forge et que vous savez que Shadow y est : frappez fort et entrez prudemment, les accidents arrivent vite et un four de cette taille fait rapidement disparaître les preuves...


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