Au coeur de la tempête

 Fenrir

Le vent soufflait avec force, la pluie battait les planches avec violence, la nuit s'étalait sur le pont. L'Elian bravait la tempête comme il le pouvait. Son équipage, survolté, courait en tout sens afin d'éviter toutes mauvaises manipulations. Tout le monde avait été réquisitionné.

L'orage déchira le ciel noir, surprenant Neir qui en tomba à la renverse, Kasai, qui se tenait pas loin, essayant de retenir les cordes qui maintenaient les voiles fermées, lui tendit une main secourable qu'elle attrapa pour se remettre au travail. Plus haut, de la poussière d'étoiles plein le visage Crystal guettait une ouverture qui pourrait permettre au vaisseau une retraite bien méritée. Sur le pont, Lucky, à la barre, essayait tant bien que mal de maintenir un cap, chose qui n'était pas aisée vu la force du vent qui soufflait sous la coque.

Soudain une langue électrique fondue sur le premier mat avec un sinistre craquement , faisant voler quelques copeaux de bois. Les choses se compliquaient. Une partie des voiles rattachées à ce mat se déchira, créant un appel d'air tout ce qu'il y avait de plus mal venu dans cette situation.

Nef, la voix à demi couverte par le mugissement du vent, hurla comme il put

«Il faut monter le rattacher ! Carter ? Tu es avec moi ?»

Carter, un peu plus loin, ne fit pas attendre sa réponse :

«Je te suis !»

Un regard et une approbation plus tard, les voilà déjà partis à l'assaut des haubans

La voile claquait dans le vent, laissant les sons s'évanouirent dans le lointain, seule la pluie qui inondait le pont était audible.

Carter et Nef atteignaient maintenant la voile, les choses sérieuses commençaient. Un coin de la voile battait l'air, complètement à la merci du vent, manquant de se déchirer un petit peu plus à chaque instant, la tâche revenait à rattacher le pan de tissus au mat et le ficeler là pour qu'ainsi il ne bouge plus.

Le bateau était à la merci des courants et tanguait dangereusement, sur le pont des tonneaux roulaient et cognaient contre les rebords en bois.

Crowley courait dans tous les sens dans l'espoir de sécuriser l'eau et les provisions, c'était un sacré challenge.

Plus haut, Nef et Carter ficelaient enfin la voile alors qu'un immense éclaire frappa le navire, le faisant valser. Tout là-haut, Crystal eut un petit cri et s'accrocha de toutes ses forces à la balustrade de sa vigie.

Dans les cordages, Nef glissa ... Il glissa et tomba ... Le temps sur L'Elian se figea, tous les membres de l'équipage s'horrifièrent, Lucky, à sa barre, hurla :

«NOOOOOON !»

Nef passait maintenant par-dessus bord et il allait disparaître quand une main agrippa le pirate par le col, l'empêchant de tomber plus bas. Neir l'avait attrapé par où elle avait pu. Elle lui souriait maintenant, un de ces jolis sourires dont elle avait le secret. Une deuxième main, plus forte, attrapa le troubadour et le hissa à bord. Kasai, en lui tapotant l'épaule, dit avec un sourire espiègle:

«Tu me refais une peur pareil, c'est moi qui te balances !»

Nef, un peu chamboulé, lui sourit à son tour.

Une rafale de vent porta une voix sur le pont, une voix un peu paniquée et surtout en colère venant du fin fond de la cale :

«Par Astarine, déesse de tous les vents ! Pourquoi il faut que ça arrive maintenant ?!? Dans les tuyaux en plus ! Y'en a partout !!»

D'autres injures suivirent. Mirayhu, qui s'occupait de ferler les voiles, releva la tête et se précipita vers la cale, confiant son labeur à Dairiun.

En bas, Fenrir pataugeait dans la salle des machines, un trou béant c'était ouvert dans la coque et avait percé un des tuyaux transporteurs de Valiôm.

Mirayhu, qui venait d'arriver dans la salle, se mit directement à la tâche, c'est qu'il s'agissait de boucher ce trou si elles voulaient éviter de « couler ».

A l'étage, la tempête ne perdait pas en intensité, pourtant, Carter avait réussi à accrocher la voile et était redescendu, Dairiun, aidé par Neir et Kasai, maintenaient toujours les voiles principales contre les mats, Lucky maintenant le cap et Crowley avait sécurisé les tonneaux tant bien que mal ...

Soudain, un cri venant, cette fois-ci, d'au-dessus des pirates retenti :

«OUVERTURE !!»

C'était Crystal qui venait de trouver une issue de secours à L'Elian ! En effet, plus haut dans les nuages, un trou apparaissait. Un trou qui donnait sur un ciel bleu et calme ... Une sortie, enfin !

Lucky saisi l'occasion et hurla dans son transmetteur :

«Fenrir ! Ouverture ! Plein gaze, on monte !»

En bas, Mirayhu et Fenrir se jetèrent un oeil et s'activèrent, Fenrir fit chauffer les machines comme rarement auparavant, par contre ... Le tuyau éventré, bien qu'il ne gêne pas le transport du gaz puisqu'il avait été bouché, ne se gêna pas pour dégager un mélange de crasse et de poussière sur les deux filles. Mais le temps n'était pas à ce genre de considérations, elles devaient maintenir l'allure pour que l'équipage se sorte de ce piège.

L'Elian fuyait à la force du Valiôm seulement, filant à une allure vertigineuse, affrontant le vent et la pluie pour enfin déboucher dans un havre de paix et de tranquillité ... L'équipage pouvait souffler.

Tous s'écroulèrent sur le sol en poussant un grand soupir de soulagement, Crystal redescendit de sa vigie et se cala contre Lucky, elle était couverte de poussière d'étoile, ça lui donnait un petit air féerique ...

Alors que tout le monde décompressait, Mirayhu et Fenrir remontaient enfin. Le visage noir et les cheveux en bataille, elles récoltèrent les rires de leurs compagnons.

Les pirates de l'air, complètement trempés, s'offrirent sans attendre un repos bien mérité et s'endormirent au soleil, laissant dériver le vaisseau volant vers de nouvelles destinations ...