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     FenrirInaugural

     

    Une fois que ses boulons disparurent dans un cliquetis métallique au pied de la statue de bronze, Fenrir se retourna et partit s'enfoncer dans les rues brumeuses de la cité des Sept. Elle se plut à disparaître dans les vapeurs de cet énorme quartier mécanique. De temps en temps, elle se demandait ce que les autres membres de l'équipage faisaient, elle se demandait si, eux aussi, étaient aussi émerveillés qu'elle en cet instant. Est-ce que le quartier qu'elle visitait ressemblait aux autres ? Est-ce que, partout sur l'île Pirate, il y avait de hautes bicoques fumantes ? Est-ce que les gens volaient sur des engins parfois inachevés ? Est-ce que les jurons et les explosions étaient monnaie courante ?

    Fenrir se sentait comme une apprentie, elle ne voyait personne à son niveau, elle ne voyait que des machines perfectionnées et de probables mentors à qui jamais elle ne demanderait de l'aide. Par pure fierté, jamais elle ne demanderait. Non, la mécano' de  L'Elian préférait se tromper, se blesser, se salir, rater seule. Ses inventions étaient de facture laborieuse, mais elle réussissait toujours à réaliser ce qu'elle imaginait. Pourtant, en ce baladant dans la cité, elle ne voyait rien que des inventeurs qui auraient ri à la vue de sa salle des machines encombrée, de ses patins volants rouillés et de tout ce qu'elle avait réussi à créer.

    La pirate était, en l'instant, partagée entre la jalousie, l’émerveillement et la honte. Ce mélange peignit son visage d'une mine renfrognée. Elle n'avançait pas et elle le savait. Elle plongea la main dans sa ceinture et en ressortit sa petite vis verte. La vis en Algae qui avait offert à Fenrir un nouveau but, de nouvelles questions … De nouveaux doutes. Tout en marchant elle observa en détail l'outil, les spirales qui partaient de la queue pour aller à la tête étaient extrêmement banales, rien, hormis le vert de l'objet, ne sortait de l'ordinaire. Et pourtant cette vis était en pierre. Une pierre légère et solide. Assez solide pour avoir été utilisée pour la création du Celsior, la plus belle invention de son époque qui avait tragiquement fini son premier vol dans un champs, tuant tous les passagers sauf la jeune Pirate.

    Le lendemain, dans le journal on avait parlé d'un accident et l'Algae avait été bannie des constructions aériennes. Mais récemment, Fenrir avait retrouvé cette vis. Cette vis qui l'avait plongée dans les méandres de la tristesse, de la vengeance et du doute. Elle en était persuadée : la chute du Celsior n'était pas un accident, mais un coup monté. Elle le savait.

    Alors, elle s'était mis en tête de chercher et de trouver les réponses à ces questions. Mais jusque-là rien n'avait pu l'aider, elle n'avait pas gardé l'article sur le Celsior et elle n'en avait pas non plus entendu reparler depuis sa chute. L’Aéronef avait disparu dans le néant.

    C'est sur ces sombres pensées que la mécano' s'assit au bar d'une taverne du quartier. Elle commanda un Rhum pour commencer... Commencer doucement. Puis elle en demanda un second et son humeur se détériora, devenant plus triste encore. Non, ce n'était pas la vengeance qu'elle voulait, elle ne voulait que des réponses. Elle s'essaya ensuite à une boisson plus forte qu'elle n'aima absolument pas mais qu'elle finit quand même. Elle commença à demander aux gens autour d'elle s'ils avaient entendu parlé de cette vis verte sans en préciser le nom. Personne ne lui répondit, elle commençait à s'énerver et se resservit de cette boisson qu'elle n'aimait pas. Son humeur se dégradait, ses sourcils se fronçaient.

    La nuit était tombée, l'alcool avait fait son effet et Fenrir hurlait dans le bar :

    -Personne sur cette foutue île remplie de pourris comme vous ne sait ce que peut être cette putain de vis verte ?

    Elle brandissait l'outil en Algae en tournant sur elle-même, s'adressant à tous les buveurs qui ne se retenaient pas de rire d'elle. Non, personne ne savait. Mais pourtant, de l'autre côté du comptoir, une femme observait. A moitié cachée derrière sa pinte, on ne voyait d'elle que ses deux yeux verts et sa peau mat.

    Après un énième verre, Fenrir finit par se rasseoir et plonger dans une fine déprime. Elle savait qu'elle n'obtiendrait rien … Que personne ne lui répondra. Elle plongea alors son visage dans ses bras et s'affala sur le bar en ruminant, son dernier verre était à moitié terminé. Plus loin, la jeune femme se leva et vint s'installer à côté de la mécano, celle-ci, releva la tête et détailla d'un regard vide la nouvelle arrivante.

    La jeune femme n'était pas belle à proprement parler, elle était envoûtante, elle avait cette aura qui ne plaisait pas à tous. Outre sa peau mat et ses yeux forêt, ses cheveux ondulés tombaient au niveau de ses épaules nues. Une flamme pleine d'intelligence et de malice brillait dans son regard. Fenrir finit par se redresser sur sa chaise et continua de fixer, sans un mot, la jeune femme. Celle-ci prit la parole :

    -Tu parlais bien de l'Algae n'est-ce pas ?

    Sa voix était douce mais pas une once d'innocence n'était perceptible.

    La mécano leva un sourcil et ouvrit de grands yeux … Quelqu'un … Quelqu'un connaissait ? L'alcool faisant, elle sentit les larmes lui monter mais ne montra rien, elle se contenta de répondre, peu sûre d'elle :

    -Tu … Tu m'as entendu ? Tu connais l'Algae ?

     


    La jeune femme sourit et attrapa Fenrir par le bras pour l'entraîner à sa suite. Celle-ci finit son ultime verre d'un trait et la suivit sans un mot et quelque peu chancelante. La femme sans nom attira la mécano à l'étage et, ensemble, elles s’engouffrèrent dans une petite chambre. Il n'y avait qu'un lit large et une petite table de chevet. La jeune femme fit asseoir Fenrir sur le bord du lit et s'assit à côté d'elle :

    -Racontes-moi … Que connais-tu de l'Algae ?

    Nonchalamment elle remit une mèche de cheveux derrière l'oreille de la pirate avec un doux sourire. Mise en confiance, la mécano lui raconta tout … Absolument tout. L'alcool délit les langues. Quand elle eut fini, la femme aux cheveux d'ébène n'eut qu'un bref hochement de tête. Fenrir se sentait mise à nue, troublée, c'était la première fois qu'elle racontait son histoire, c'était la première fois que les mots « papa » et « maman » passaient ses lèvres depuis bien longtemps. Elle se sentait faible et se raccrochait à ce qu'elle pouvait, en occurrence, c'était la main de son interlocutrice qu'elle serrait avec force depuis le début de son récit. Enfin, elle se tourna vers la Belle :

    -Et toi ? Comment tu connais l'Algae ?

     

    Et c'est alors que, d'un geste doux, la jeune femme passa sa main sur la joue de la mécano', elle la fit lentement glisser derrière son oreille et l'immobilisa dans ses cheveux. Fenrir ne bougea pas. Mais quand les lèvres carmins de son interlocutrice vinrent délicatement se poser sur les siennes, elle ne résista pas et répondit au baiser. Encore plus doucement la jeune femme allongea la pirate sur le lit, passant la main sur ses hanches. Le baiser ne s'interrompit pas. Distraitement, la mécano passa ses doigts dans les cheveux de l'Inconnue et son autre main sur le corset en cuir. La femme semblait plus pressée et déjà, elle jouait avec le lacet du serre-taille bordeaux de Fenrir, faisant courir la corde sur ses doigts, la passant lentement entre les œillets. La température de la pièce se réchauffait et les joues de la pirate rougissaient tandis qu'elle mettait fin au baiser. Un sourire joueur flottait sur les lèvres carmins. La mécano' fixa son regard sur son interlocutrice alors que celle-ci faisait sauter le premier fermoir du serre-taille avec un « oups » langoureux. Elle finit par en ouvrir un autre, puis un autre et encore un autre. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus que la chemise informe et plus très blanche de la Pirate. Celle-ci était d'ailleurs d'une saillante couleur pivoine. La succube s'en amusa et défit un à un les boutons de la chemise. Fenrir, quant à elle, trouva le lacet qui permettait à la robe bleue et légère qui habillait la jeune femme de tenir en place. Elle tira dessus d'un coup sec mais rien ne se passa. La belle au-dessus d'elle parut beaucoup s'en amuser et désigna du doigt les lanières de cuir et les boucles qui retenaient encore le tissu. Un fin sourire de défis étirait ses lèvres. Fenrir lui répondit par un sourire similaire tout en glissant sa main le long, d'abord, de la hanche, puis de la cuisse de la jeune femme pour finir dans son propre porte-outil, encore accroché à sa ceinture. Elle attrapa sa pince coupante, repassa sa main dans le dos de son interlocutrice et se mit à couper les lanières unes à unes. La jeune femme eut un petit « Oh ! » faussement indigné et elle tira violemment sur la chemise de Fenrir, arrachant quelques boutons. Un petit rire s'échappa de la gorge de la succube et de la pirate. Elles continuèrent de se bagarrer comme ça jusqu'à ce que les deux soient poitrine nue. Un silence s'installa, silence durant lequel Fenrir redevint rouge et la belle reprit son petit sourire énigmatique. Elle était maintenant assise sur les hanches de la pirate et la regardait avec une certaine gourmandise. N'ayant aucune idée de ce qu'il allait se passer, la mécano' ne fit pas un geste jusqu'à ce que la jeune femme au-dessus d'elle fonde sur sa poitrine et l'immobilise sur le lit. Fenrir tenta de se débattre mais quand les lèvres pleines de son interlocutrice capturèrent son sein, tout mouvement cessa et une vague de chaleur envahit la pirate. Une douce torpeur s'empara de ses muscles et sa respiration se fit erratique. La belle, contre sa poitrine ne put s'empêcher un autre sourire tandis qu'elle continuait de jouer avec la chair rose. Un petit cri étouffé s’échappa des lèvres de Fenrir avant que celle-ci n'écrase son poing sur sa bouche, honteuse.  La belle releva la tête et attrapa la main de la pirate pour l'éloigner des lèvres de celle-ci. Doucement, ondulant, elle vint glisser quelques mots à l'oreille de la jeunette, laissant leur deux poitrines entrer en contact, électrisant la mécano'. Ces mots enflammèrent les joues de Fenrir. La Belle se mit à rire et, sensuellement, elle retourna titiller la constructrice de L'Elian.

     

     

     

    L'esprit embué par l'alcool ne permettait aucune pensée cohérente mais le tourbillon de sensations ne permettait plus aucune cohérence, quelle qu'elle soit. Du désir, de la chaleur, une once de peur, de l'incompréhension et une pointe de dégoût. Voila tout ce que Fenrir pouvait, en ce moment, ressentir.

    Elle ne contrôlait plus rien. Ses doigts se perdaient dans les cheveux de la belle à la peau matte, son autre main s'attardait sur le dos nu. L'interlocutrice s'était lassée de la poitrine offerte de la mécano', elle descendait maintenant doucement, tout doucement vers une partie bien plus sensible et drôle à embêter comme l'annonçait son sourire visible qu'à quelques moments. Ces moments où les lèvres pleines lâchaient la peau chaude du ventre de la mécano.  Elle avait tracé une ligne de feu tout le long du corps offert de la pirate, elle avait embrassé méthodiquement cette ligne tout en laissant ses mains dessiner la taille puis les hanches de sa proie.

    Puis il fut un moment où la peau du ventre n'existait plus. La limite allait être franchie. Mais la succube choisit de retarder le fatal instant, elle revint vers le visage de Fenrir dont le regard était drapé dans les voiles du désir. Elle s'empara de ses lèvres plus farouchement, plus assoiffée et la Pirate y répondit avec la même ardeur. Mais les mains de la brune ne stoppèrent pas leurs caresses, elles se baladaient sans barrière sur et sous la toile qui servait de vêtement à la mécano'. La belle sentait la réticence de Fenrir lorsque celle-ci s'approchait un petit peu trop de la zone sensible, mais elle ne s'en amusait que plus, faisant quelques allers-retours toujours plus proche de l'intimité de la soumise.

    Fenrir avait envie de grogner quand son interlocutrice s'approchait trop de son intimité. Mais elle n'arrivait à rien, juste à faiblement se débattre. La belle s'amusait, son sourire s'agrandissait de minute en minute. Elle fondit sur la clavicule de la pirate et commença à la mordiller avec amusement.

     

     

     

    Puis doucement, sensuellement, la jeune inconnue se remit à embrasser la peau nue de la mécano, elle descendait toujours plus, laissant ses mains glisser le long des côtes pour finir dans le creux des reins. Les lèvres joueuses finirent par entrer en contact avec l'intimité chaude. Fenrir se cabra et une poigne de fer lui enserra les hanches. La prédatrice ne laissera pas fuir sa proie.

    Finalement, la mécano' arriva à grogner mais ce n'était ni pour les mains douces qui la tenaient fermement ni pour le plaisir de se dire «  j'ai encore la situation en main ». Non, ce n'était qu'en écho à la langue chaude qui jouait avec une part de sa féminité. Grognement qui se transforma en gémissement plus vite qu'on n'eut pu le penser.

    La jeune femme au teint halé menait la danse et la pirate n'était plus qu'une marionnette qui se mouvant aux moindres vibrations de ses fils.

    Son bassin ondulait sous le corps de la jeune femme. Les joues de la pirate se colorèrent d'un joli rouge et ses yeux se drapèrent du voile du désir. Elle ne pouvait plus rien faire. Seules ses mains étaient en mouvement, elles vinrent se perdre dans les cheveux foncés de son interlocutrice. Ses poings s'ouvraient et se fermaient en un rythme saccadé et désordonné.

    La danse prenait une tournure plus complexe, plus forte. Plus animale. Les soupirs appuyés que Fenrir tentait de refréner jusque-là s'élevaient dans la chambre.

    La belle avait l'air satisfaite lorsqu'elle posa son regard sur le corps électrisé de la pirate. Le jeu, car c'est bien ainsi qu'elle le vivait, prenait une tournure tout à fait original quand Fenrir poussa un cri . Déjà ?  La jeune femme releva la tête, surprise, avisa le corps parcouru de soubresaut de la mécano et écouta son souffle erratique. Une nouvelle fois, un sourire naquit sur ses lèvres. Elle dit alors :

    -Et bien ? Je savais que j'avais un coup de langue exceptionnel mais à ce point ? C'est ta première fois, n'est-ce pas ?

     

     

     

    Si la honte pouvait tuer alors Fenrir serait morte et enterrée. Le carmin qui colorait les joues de la mécano' fit rire la succube. La pirate, blessée dans son ego, s'empara rageusement de son pantalon et le renfila. L'interlocutrice passa un doigt sur ses lèvres sans continuer de sourire et vint embrasser tendrement les lèvres sèches de son ancienne marionnette en murmurant :

    -Ce fut un plaisir de te rencontrer Fenrir.

    La mécano' n'eut pas le temps de se poser une quelconque question qu'un sommeil écrasant la prit. Elle ne put lutter bien longtemps et ses paupières tombèrent sur le visage mystérieusement souriant de la jeune femme et ses yeux verts.

     

     

    *~*~*~*

     

     

    Une rage indescriptible la prit quand elle s'éveilla dans le noir, seule et la poitrine toujours nue. L'alcool ne faisait plus effet. Il ne restait que la colère et le sentiment d'avoir été trompée. Fenrir se leva précipitamment et se rhabilla, tentant de faire tenir sa chemise malgré les boutons manquants. Elle ne connaissait pas son nom, elle n'en avait pas appris plus sur l'Algae et on lui avait ri au nez. Cette soirée était un échec. La pirate se leva du lit en furie, soucieuse de partir d'ici au plus vite et de rentrer chez elle, sur L'Elian, pour un douche et oublier tout ça.  Pourtant, alors qu'elle attrapait la poignée de la porte de la chambre, un éclat ocre retint son attention. Un bracelet de cuir traînait sur le lit, une unique perle ronde était accrochée dessus. Le bijou n'était en aucun cas à Fenrir, peut-être appartenait il à la succube.

    Hésitante, la mécano se saisit du bracelet et l'enroula autour de sa cheville. Elle n'avait aucune idée de pourquoi elle le gardait mais peut-être qu'un jour il lui permettrait de retrouver cette mystérieuse femme qui en savait tant.

     


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