• Réminiscence

    a_trip_to_the_theatre_by_peteamachree-d4icz1m 
     
     
    Il faisait beau ce matin, froid mais beau. Le temps préféré de Fenrir, alors âgée de huit ans. Elle aimait ces matins-là, d'abord parce que le temps était parfaitement à son goût, mais aussi parce que les passants étaient pressés, ils ne se retournaient pas s'ils faisaient tomber une gamine.
     
    Une matinée parfaite pour les fonds de poches. Vraiment, un matin comme elle les aimait. La fillette se leva tôt ce matin, elle devait se remplir l'estomac. Elle partit à tout berzingue, ses rollers à propulsions aux pieds. Une fois la ville en vue, elle essaya un atterrissage, le manqua, s'écrasa lamentablement sur la route principale et alla cacher ses patins dans un bosquet. Une fois fait, elle s'épousseta, essaya de mettre un peu d'ordre dans ses cheveux courts et prit le chemin de la ville.
     
    Doucement, elle commença son repérage quand, malheureusement pour elle, la pluie commença à tomber. C'était le pire scénario qui pouvait lui tomber dessus. Les marchants commençaient à rentrer les produits des étalages, bientôt elle ne trouverait plus grand chose, elle devait se dépêcher si elle voulait pouvoir tenir jusqu'à la prochaine « cueillette ». Elle se mit à courir dans les rues à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent, rien, il n'y avait plus rien. Le désespoir commençait à pointer quand soudain, au détour d'une ruelle, un mouvement retint son attention. Curieuse comme elle l'était, elle s'approcha et son regard s'accrocha sur une miche de pain frais de bonne taille, un sourire naquit sur son visage. Elle se précipita, s'agenouilla devant son futur bien et tendit la main. Au moment où ses doigts entraient en contact avec le précieux sésame, une main, plus grande que la sienne se posa sur l'autre extrémité. Intriguée et prête à râler pour ce morceau de pain, elle releva les yeux et ouvrit la bouche pour pouvoir l'insulter de tout ce qu'elle pouvait ; mais aucun son ne passa ses lèvres, elle resta figée. Devant elle, un garçon, visiblement plus âgé qu'elle, la fixait sévèrement, ses sourcils un peu froncés lui donnaient un air sombre. Il ne dit rien et se contenta de regarder la gamine. Ils se fixèrent comme ça pendant quelques secondes quand un beuglement retentit :
     
    «Hey vous là, je ne veux pas vous voir ici, lâchez ce que vous avez dans vos sales pâtes et déguerpissez, ou je vous envoie là où le soleil n'est qu'un joli souvenir !!»
     
    Un Garde de la ville. Il s'avança, l'air menaçant, main à l'épée. Fenrir, après un regard attristé au beau morceau de pain et un autre à l'étrange garçon qui lui faisait face, fuit sans demander son reste.
     
    Plus tard, après avoir ruminé pendant un certain temps, la fillette décida de retourner voir si son morceau de pain était encore disponible, oui SON morceau de pain, l'autre grand dadais n'avait aucun droit dessus, elle se le jura, ce pain était pour elle !
     
    Elle partit, ventre à terre, rasant les murs pour retourner sur les lieux de son larcin raté. Une fois de retour dans la rue, elle le vit, son trésor, son repas, il était là, toujours à la même place. Elle se précipita, arriva à la hauteur de la miche, tendit la main et rencontra une paire de doigts tendus, encore. Elle releva la tête et tomba nez à nez avec le garçon de tout à l'heure. Ils se fixèrent sans un mot, le garçon afficha une tête blasée, Fenrir baissa la tête et la rentra dans les épaules, frustrée. Elle prit alors une grande inspiration, relave la tête d'un coup et se mit à hurler :
     
    «RAAAAH J'en ai marre, laisse-moi ce foutu morceau de pain et va voir ailleurs si j'y suis !
     
    - La ferme...»
     
    Le garçon avait retiré sa main du morceau de pain, tout comme Fenrir, et les deux se toisaient.
     
    «Comment ça « la ferme » ? Ca va bien oui, t'as pas à me parler sur ce ton...
     
    - Je suis plus grand que toi et plus âgé, je te parle comme je veux, c'est tout.»
     
    Le garçon avait répondu de manière très calme, contrairement à la gamine qui commençait à s'énerver et à hausser le ton.
     
    «On s'en fout, donne-moi ce foutu morceau de pain !
     
    - Pourquoi je te le donnerais ? C'est à moi de l'avoir.
     
    - Pourquoi ce serait plus à toi de l'avoir que moi ?
     
    - Parce que j'en ai plus besoin, c'est tout.
     
    - J'en ai autant besoin, il faut que je grandisse !»
     
    Leur « conversation » continua comme ça encore quelques minutes, mais Fenrir avait maintenant perdu toute trace de sérénité, elle hurlait sur le garçon qui gardait son calme, imperturbable.
     
    Les cris de la jeune fille avaient, malheureusement, alerté le garde qui traînait dans le coin, il apparut au détour d'une ruelle et se mit à hurler :
     
    «C'est pas bientôt fini ce bordel ? Je vous ai pas dit de dégager tout à l'heure ?»
     
    La jeune fille, sous la colère, se retourna et hurla :
     
    «Laisse tomber gros tas, t'as rien à faire là !»
     
    Le garde se figea, son visage s'empourpra et son épée se dégaina. Il se mit à courir en direction des deux enfants, qui partirent en courant. Le garçon attrapa le morceau de pain au passage. Ils ne leur fallurent pas longtemps pour semer leur poursuivant, étant gras et ivre, il atteignit le mur en premier avec un ridicule ponk.
     
    Les enfants stoppèrent leur course, se retournèrent et, avisant la scène, se mirent à rire. Puis, voyant le garde se relever en grumelant, ils détalèrent de plus belle. Ils coururent jusqu'à qu'ils n'en puissent plus. Et c'est au détour d'une petite ruelle sale qu'ils s'arrêtèrent, essoufflés.
     
    «Héhé, il est vraiment idiot quand il s'y met, lui.»
     
    Fenrir, après cette inutile remarque, arracha d'un geste vif la miche de pain des doigts du garçon.
    Le petit brun fronça dangereusement les sourcils.
    En pleine concentration, la fillette s'évertuait à essayer de partager le butin en deux. Son sens de la découpe, par contre, étaient plus qu'approximatif.
    Elle se retrouva avec un quart de la miche dans la main gauche et trois quarts dans la main droite.
    Elle parut un peu déçue, mais elle sourit du mieux qu'elle put et tendit la main droite en direction du garçon :
     
    «Tiens, comme t'es plus grand t'as le droit de prendre la plus grosse.»
     
    Le brun la regarda d'un air dubitatif, attrapa le morceau et le fourra dans son vêtement tout en soufflant :
     
    «Si seulement c'était pour moi ...
     
    - Hum ? Tu as dit quelque chose ?
     
    - Non rien, je m'appelle Carter.
     
    - Fenrir !»
     
    La gamine tendit sa petite main sale vers Carter, il la serra. La pluie se remit à tomber. Fenrir fit une moue blasée et le garçon dit :
     
    «Je dois rentrer, peut-être qu'on se reverra un jour...
     
    - Je suis pas sûre que tu me retrouveras un jour.
     
    - Pourquoi ça ?»
     
    Carter afficha des yeux ronds.
     
    «Parce que je vais voyager au travers des mondes dans un bateau pirate et devenir la plus grande voleuse du monde !»
     
    Fenrir avait haussé le ton et brandi son point en avant en déballant cette phrase. Carter leva un sourcil, dubitatif, puis dit :
     
    «Oui bah d'ici là, on aura eu le temps de se revoir, bref, j'y vais.»
     
    Et il parti après un signe de la main.
    Ce soir-là Fenrir rentra trempée et souriante.
    Durant de longues années, les deux enfants ne se revirent pas.
    Et pourtant, un mois après que L'Elian fut achevé, quelqu'un demanda à rencontrer la jeune mécanicienne.
     
    Fenrir traînait des pieds sur les pavés en jouant avec sa bretelle lâche.
     
    «Je me demande qui veux me parler et pourquoi surtout... « Le racolard »? C'est le café des journalistes ça... Oooh dans quoi je me suis fourrée ...»
     
    Et c'est en râlant qu'elle arriva devant ledit café, une petite bâtisse propre et respectable, tout ce qu'il y a de plus honorable. La jeune fille réajusta sa bretelle, resserra son serre-taille et entra.
     
    Une odeur d'encre et de cigare envahie ses narines, une fine fumée s'accumulait au plafond et partout des hommes et femmes discutaient tout en grattant sur du papier.
     
    Fenrir leva un sourcil et alla s'installer derrière le comptoir.
     
    «Heu ... Un chocolat au lait s'il vous plaît.»
     
    Le tenancier servit la jeune fille et pendant que celle-ci sirotait sa boisson en se demandant ce qu'elle faisait là quand un rire discret retentit à côté d'elle :
     
    «Hahaha, toujours une gamine, Fenrir.»
     
    En entendant ça, la mécano' se retourna doucement, avisa son voisin et s'étouffa avec son chocolat.
     
    «TOI ?!?»
     
    Grand, brun, un doux sourire aux lèvres, une cicatrice sur la joue et des étincelles dans le regard, Carter regardait la jeune fille un air amusé sur le visage.
     
    «Et oui, moi. Je t'ai manqué ?
    - Comment tu m'as retrouvé ?
    - Tu sais, y a pas beaucoup de gamines qui veulent devenir pirate, d'habitude c'est les princesses.
    - Attends, je comprends pas là, tu as cherché une gamine qui veut devenir pirate ?
    - Ça a porté ses fruits, te voilà devant moi.
    - Euh, et sérieusement ... Tu deviens quoi ?»
     
    Une longue conversation entre les deux jeunes gens commença et elle dura plusieurs heures ... Mais pour finir, Fenrir demanda :
     
    «En fait, tu m'offres ta plume en échange d'aventures, n'est-ce pas ?
    - Exactement.
    - Alors, bienvenu Carter O'Warren !»
     
    Ils se serrèrent la main, concluant tous deux leur accord par un sourire.
     
    L'équipage Pirate s'agrandissait.
     

     


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