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A L'Abordage !
Un manteau blanc avait recouvert le pont, un blanc immaculé. Le Silence avait prit corps et s’était incarné. De multiples flocons tourbillonnaient dans l’espace. Le vent frais rougissait les doigts nus et transformait les soupirs. Frais début d’après-midi. La neige étouffait les sons, les nuages opalescents ne permettaient pas l’écho. Le Silence était roi. Et c’est dans ce silence que progressaient les membres de L’Elian.
L’après-midi aurait pu rester coincé dans le mutisme si un cri n’avait pas retenti du haut du mât principal :
-Vaisseau pirate à trois heures ! Par la proue !
Crystal venait de faire naître sous ses pieds une nouvelle énergie, quelques membres du bâtiment se penchèrent par dessus le bastingage afin de confirmer les dires de la vigie. Ils ne mirent pas longtemps à, eux aussi, se rendre compte qu’un bateau trois mâts deux fois plus grand que L’Elian arrivait dans leur direction. Le pavillon noir qui flottait au sommet du grand-mât corroborait l’annonce lancée par la jeune femme. Le Vaisseau pirate maintenait son cap et allait bientôt couper la route du petit trois mâts par l’avant. Ce moment arriva bien vite. Le bâtiment ennemi dominait de toute sa hauteur L’Elian, plongeant un quart du pont dans l’ombre. Et, sans crier gare, une vague d’explosion claqua dans l’air et se transforma en une rangée de boulets noirs dont trois vinrent égratigner ou perforer la cale. La bataille était engagée. Lucky, alors à la barre, distribua ses ordres :
-Kasai ! Aux canons ! Tu as le champ libre, je ne veux pas un trou de plus ! Crystal, préviens moi de chaque mouvement !
Les deux concernés acquiescèrent et se mirent au travail. Le Capitaine, quand à lui, avait déjà entamé la manoeuvre qui permettrait à L’Elian de réagir. D’un coup sec, il fit tourner à toute vitesse le gouvernail, forçant le navire à virer de bord, puis, une fois que le bateau fut à la bonne latitude, il bloqua la barre et l’immobilisa. Le petit trois mâts se retrouvait parallèle au vaisseau ennemi.
-Une nouvelle vague arrive !
La voix de Crystal retentit du haut du nid-de-pie, Lucky réagit en conséquence :
-Kasai ! On attend plus que toi ! Tire quand tu veux !
L’artilleur ne se fit pas prier et les canons, un par un, crachèrent leur boulet, prenant de court le navire adverse et permettant de limiter les dégâts. Pourtant, deux nouveaux trous apparurent sur la surface de la coque.
Les deux navires se rapprochaient irrémédiablement, leurs bords n’étaient plus qu’à quelques mètres l’un de l’autre.
Les deux ponts se touchaient presque quand retentit une explosion qui ébranla l’Elian : un boulet avait perforé la coque au niveau de la salle des machines. C’était bien plus qu’il n’en fallait pour faire sortir Fenrir de ses gonds. Elle se saisit de sa clé, le regard plein de rage et sauta par dessus le vide pour atterrir sur le pont adverse au milieu de l’équipage assaillant. Et là, sous la douceur des flocons qui continuaient de tomber, sous le regard mi-interrogateur mi-effrayé des pirates ennemis, la mécanicienne tremblait de rage :
“On n’abîme pas … mon … BATEAU !! “
Elle fit tournoyer sa clé pour écarter les pirates rassemblés autour d’elle, dévoilant l’artilleur responsable des dommages causés à la coque.
Kasai qui était remonté en entendant le beuglement bestial de la mécanicienne, la vit prête à défoncer le crâne du malheureux ... sans lui ! Ce qu’il, bien sûr, refusait catégoriquement. Ce fut donc accompagné d’un “ Oh ! Tu les tapes pas sans moi ! “ que Kasai se retrouva sur le pont ennemi au moment où la clé de Fenrir s’écrasait sur la tête de l’artilleur jugé coupable lui défonçant le crâne et faisant jaillir une gerbe de sang qui aspergea le visage de la mécano. Visage qui se parait maintenant d’un rictus figé entre satisfaction et détermination (et de sang dégoulinant, on distinguerait presque des morceaux). Ce qui donna d’ailleurs faim à Mirayhu, que les effusions de sang amusaient. Elle se tourna donc vers Crowley :
“ Je pourrais avoir des cookies à mon retour ? lui demanda-t-elle d’un ton doux.
- Euh je… euh oui je… bégaya l’intéressé en vain, l’archéologue ayant déjà saisi son katana pour se lancer à son tour dans la mêlée. Ne te fais pas de mal... “ lui adressa tout de même le cuisinier, bien décidé à rester sur l’Elian et à ne laisser aucun inconnu y poser les pieds (que personne ne s’essuie ce qu’il trouvait parfaitement répugnant).
Shadow lui aussi avait entendu l’appel du sang et s’engagea alors dans la bataille, Requiem et Darkness aux poings.
Dans la mêlée générale ainsi créée, le son des coups de feu venait s’additionner à la cacophonie ambiante constituée des râles des blessés, du bruit des lames qui s’entrechoquaient et de deux voix qui s’élevaient sporadiquement pour faire des annonces dans le style : “J’en suis déjà à cinq, alors on se traîne?” ou encore “Et de huit t’es en retard ma vieille ! ”. Le combat tourna rapidement à l’avantage des membres de l’Elian quand tout à coup un type énorme surgit sur le pont depuis une porte qui vola en éclat. Ce mastodonte était gigantesque et surplombait la mécano’ de plusieurs têtes si bien qu’elle paraissait frêle à côté de lui. Mais outre son air patibulaire, sa barbe qui lui mangeait la moitié du visage ou son corps adipeux, le monstre de métal qui lui servait d’arme inquiéta nos pirates de l’air.
Grey en voyant l’homme à la gatling repensa à la dernière phrase de Crowley :
“Oh, je sens qu’ils vont vraiment se faire mal” pensa le médecin qui s’empressa d’aller leur prêter main forte en saisissant son bâton. Sentant que la situation allait dégénérer, Kasai lança un engin explosif de sa conception qui provoqua un son strident se rapprochant presque d’un larsen. Tout le monde fut assourdi excepté Nef qui ponctua celui-ci de quelques notes terminé par un “Oooooh yeah !” avant de saisir sa guitare par le manche et d'assommer le premier ennemi qu’il trouva sur sa route. Profitant de la confusion générale, Valorah se saisit de Basile et appela Écrou qui volait au-dessus du navire afin qu’il l’assiste. Elle ajusta la mire et abattit un adversaire qui semblait reprendre ses esprits d’une balle dans la tête. “La chasse, enfin une activité saine et décente” dit-elle le sourire aux lèvres. Ce décès prématuré de leur camarade finit de sortir le reste de l’équipage de leur état de confusion. L’un d’entre eux se jeta sur une manette qu’il tira. Jaillirent alors des flancs du navire de gigantesques harpons qui vinrent se ficher dans la coque de l’Elian, collant les vaisseaux bord à bord et faisant hurler Fenrir qui comptait les trous dans la coque en plus du nombre de personnes qui tombaient sous ses coups. Lucky sentit la secousse et se tourna vers Dairiun qui haussa les épaules et il vit Crystal descendre agilement de la vigie par les cordages en lui criant qu’ils étaient harponnés.
“Bon on est garé apparemment, aller au boulot” dit nonchalamment Lucky avec un regard complice à Dairiun. Les deux se saisirent de leurs pistolets et coururent vers le pont ennemi. Crystal courut derrière eux, s’emmêlant dans ses fioles d’apesanteur en leur criant “Attendez moi !”. Carter leva les yeux de son carnet, posa son stylo et avec une pointe d’envie dans le regard, il suivit les autres se saisissant de ses couteaux de lancer.
“Bon beh moi je vais rester avec Crowley pour éviter qu’il s’ennuie” dit alors NeiR d’une voix adorable mais sortant tout de même sa règle en fer, “au cas où”.
Grey venait de passer sur le pont adverse, enjambant les cadavres, piétinant la neige. Il devait atteindre Shadow et Mirayhu alors engagés dans un furieux ballet. Des gerbes de sang volaient, se mélangeant aux flocons de neiges. Merveilleux tableau. Les deux pirates étaient silencieux, plongés dans leur macabre danse. Autour d’eux, seuls les cris des agonisants se faisaient entendre. Mirayhu affichait un sourire dément, son Katana n’était que mortelle élégance. Non loin d’elle, Shadow écrivait sa propre mélodie laissant la lame de Requiem glisser dans le vent, envoyant les âmes de ses ennemis rencontrer la grande Rose. Darkness, de sa lame courbée valsait et contrait au rythme de son maître. Synchronisation parfaite. Grey rejoignit enfin le duo pour s’en détacher immédiatement, en effet, la neige piétinée et ensanglantée avait transformé le pond ennemi en un tapis boueux. Le pauvre médecin ne put que glisser et aller faucher trois ennemis mal placés sous le regard ébahi de deux autres. Grey se releva prestement et d’un coup sec de son bâton il estourbit les deux pirates debout encore figés dans la surprise et finit les trois gisants. Il accompagna le tout d’un petit “Désolé”. Le médecin retourna alors tranquillement l'air de rien auprès du duo sanguinolent.
De l’autre côté du pont, quatre membres de L’Elian s’étaient réunis, Dairiun, Nef, Carter et Kasai s’évertuaient à enfoncer les lignes ennemies à grands coups de guitare ou de pistolet.
Quelques cordes de l’arme de Nef s’étaient détachées, elles pendaient dans le vide mais pourtant, rien n’arrêtait le musicien qui continuait d’envoyer au tapis ses adversaires à grands “bonk” sonores. On aurait même pensé qu'il tentait de rendre ceci mélodieux. Pendant ce temps, [un coup à gauche, un coup à droite], Dairiun s’éclatait, allant d’un côté puis de l’autre, distribuant à son bon vouloir quelques balles toujours bien placées. Des sifflements de couteaux s’élevaient dans un nuage de fumée rouge. Carter, plongeant, sautant, bondissant, esquivait sans mal chacun des projectiles qui lui étaient destinés mais faisant mouche dès qu’il le pouvait. Kasai, après avoir installé ce voile écarlate avait disparu et attaquait dans l’ombre à grand renforts de bombes de sa confection.
Sur le bateau, Neir et Crowley se faisaient envahir. Trois bonshommes au visage balafré venaient droit sur eux. Panique à bord ! Le premier se jeta sur Crowley, celui-ci, dans un mouvement désespéré lança en avant sa louche avec une force que lui-même ne se connaissait pas. Son ennemi tomba simplement à la renverse, sonné. De son côté Neir se retrouva assailli par les deux autres brutes. Après un petit pas chassé tout en élégance et une moue on ne peut plus mignonne elle brandit sa règle en fer et l'abattit sur le premier homme qui s’écroula. Le second rejoignit son comparse raide mort, une balle logée dans la tempe, Valorah avait frappé. Cette dernière adressa quelques mots dans le vent à destination d'Ecrou qui volait au dessus du combat. L'oiseau de proie fondit magistralement sur un groupe d'adversaire visant leurs yeux pendant que sa maîtresse profitait de cette diversion pour faire parler la précision de Basile son fidèle fusil à trois lunettes. Et à travers celles-ci elle put voir une scène se passant à l'autre bout du bateau. Lucky et Crystal avaient en effet décidé de prendre leurs ennemis par le revers mais une autre cohorte de pirates était sortie des entrailles du navire et les avait ainsi isolés du reste de l'équipage. Crystal sortit alors les fioles qu'elle avait soigneusement préparées et les jeta sur le pont devant elle et elles vinrent se briser au sol. Les ennemis pris dans les vapeurs de Valiôm se mirent alors à flotter dans les airs comme si la gravité avait perdu ses droit sur eux. Couverte par Lucky et ses colts qui ne laissaient ni espoir ni répit à ses adversaires elle put prendre son élan et sauta avec légèreté dans la zone de fumée. Son rapport particulier au cométium lui permit de se déplacer avec grâce dans les airs, propulsée par une sorte de pulsation émanant de son être. Et comme dans son élément elle se mit à sortir ce qui n'en faisait pas partie. Et presque avec délicatesse elle poussa les pauvres bougres incapables de se mouvoir par dessus bord, hors de la zone soumise au Valiôm... leur rendant ainsi leur poids propre qui les entraîna dans le vide à une vitesse vertigineuse leur promettant une mort aussi rapide que spectaculaire. Lucky presque par compassion en abattait certains au vol (en réalité ceux qui criaient d'une voix particulièrement stridente). Ensemble ils parvinrent à ouvrir une brèche pour rejoindre leurs alliés.
Fenrir au milieu du carnage qui faisait rage autour d'elle entendait les scores criés par Kasai se rapprocher du sien. Son avance fondait aussi vite que la neige qu'ils piétinaient mais malheureusement elle avait fort à faire avec le colosse qui s'acharnait à transformer tout objet derrière lequel elle s'arrêtait en petit copeaux à l'aide de sa gatling. En plus de devoir bondir de planches en tonneaux pour éviter de se transformer en chapelure humaine elle devait également se défaire des différentes lames brandies par des ennemis beaucoup trop nombreux pour se concentrer sur un plan d'action. Le tonneau derrière lequel elle était adossée il y avait encore une seconde fut déchiqueté répandant des litres de rhum sur le sol. Est ce que cela fut l'élément déclencheur, le gaspillage de tout ce rhum? Ou le fait qu'elle en fut couverte et que les fortes vapeurs lui montèrent un instant à la tête? En tout cas cela lui donna le courage de faire quelque chose que toute personne trouverait stupide voire suicidaire. Elle fonça tête baissée face au colosse. Plus tard elle dirait qu'elle avait anticipé le temps d'enclenchement de l'arme et que tout était calculé, mais à l'instant présent tous ne virent qu'une petite jeune femme aux cheveux courts brandissant une clé plus grande qu'elle courir vers une mort certaine. Le temps sembla s'arrêter, même les flocons suspendirent un instant leur inexorable chute. Et au moment où le premier claquement de balle se fit entendre Fenrir avait déjà sauté prenant un premier appui sur le pont glissant un second sur l'arme brûlante lui laissant une douleur cuisante sur la plante du pied. Elle bondit si haut que sa tête ébouriffée passa plus haut que celle du colosse. Et c'est de cette hauteur, poussant un cri de rage, qu'elle abattit sa clé sur la tête de l'homme qui se fendit sous le choc. Elle se retourna vers Kasai avec un air de défi : "c'était un gros, celui-là il compte pour deux" lui adressa-t-elle en arrachant la clé qui était restée fichée dans le crâne du géant. Tous revinrent à la réalité et les combats reprirent. Mais face à la mort de leur champion, les pauvres malheureux qui affrontaient Mirayhu fuirent vers la cale du vaisseau. Cette dernière voyant ses proies lui échapper s'élança à leur poursuite. On la vit alors ressortir deux minutes plus tard en courant le regard légèrement affolé. "Ça sent pas bon" dit alors Valorah pour elle-même. Sortirent alors des dizaines de pirates de toutes les portes menant au pont.
De l’autre côté du navire, Carter poussa un petit soupir de soulagement, enfin il pouvait respirer ! A ses pieds gisaient une dizaine d’hommes, vivants ou non, le chroniqueur n’en avait absolument rien à faire. Pour le moment tout ce qui comptait, c’était de retrouver ses couteaux. Ce ne fut pas long, ils étaient juste là, devant lui, fichés à divers endroits plus où moins conventionnels … Dans son dos, Dairiun essuyant nonchalamment sa dague sur le tabard d’un de ses ex-ennemis. Le duo s’était rapidement retrouvé acculé par un trop plein de grosses brutes. Alors les coups avaient fusés. Carter ne manquait aucune cible et Dairiun le défendait à coup de pistolet. Il ne leur avait pas fallu longtemps pour prendre possession de la poupe, fauchant inexorablement leurs rivales et les remplissant d’adrénaline. Et pourtant… Quand il n’y en a plus, il y en a encore. Une nouvelle vague de lourdauds se précipita dans les escaliers qui menaient à la poupe. Le duo se retrouva vite encerclé. Les couteaux de lancer se perdirent bien vite dans la masse et le pistolet se vida. Par chance, ce groupe n’était pas armé ou ne portant que des bâtons. Ce n’était que de grosses brutes pleine de muscles qui tapaient fort et bien. Dairiun goûta à la force de ses adversaire le premier, se prenant un uppercut dans la mâchoire, il bascula en arrière et tomba sur Carter qui le rattrapa. Dairiun, en s’essuyant la mâchoire endolorie, eut un sourire machiavélique. L’heure était à la riposte ! Alors il s’éleva, poing en avant et l’abattit sur le premier adversaire qui passait en poussant un cri rageur. Carter, attiré par le bruit, se retourna, avisa son comparse et, avec un sourire indéchiffrable, l’imita. Une incroyable tempête de coups déferla sur la proue. Chacun en prenait pour son grade mais les deux membres de L’Elian avait l’avantage de la vitesse et de la débrouille, aussi leurs adversaires ne pouvaient que mordre la poussière.
De son côté Grey se vit rapidement encerclé et malgré ses efforts pour garder ses ennemis à distance à l’aide de son bâton de combat, le cercle se resserrait. Il tenta alors quelque chose. Il sortit une fiole qu'il éclata au sol puis, d'une force étonnante, planta son bâton verticalement au centre de la flaque brunâtre qui se formait. Il versa alors un second liquide qui enflamma le premier. Il prit appui sur son bâton et à la seul force de son dos, hissa son corps parallèlement au pont. Les pirates qui avaient fondu sur lui se retrouvaient maintenant en train de fondre littéralement tandis que Grey toujours dans son inconfortable position, les envoyait au tapis à l'aide d'habiles coups de pied tournoyant autour du bâton en prenant bien garde de ne pas toucher terre. Mais peu à peu le feu s'estompa et il arracha son arme du sol prêt à vendre chèrement sa peau. Il vit une dizaine de pirates, sabre à la main, foncer vers lui puis ferma un instant les yeux. Le bruit d'un coup de feu, la douleur cuisante des plombs qui pénètrent la chair et rien d'autre. Le temps d'un clignement d'oeil ses adversaires étaient au tapis. Et bien que la douleur dans son dos le faisait souffrir il était bien vivant. Et là il vit Valorah qui était descendue de son poste de tir et s'était saisie de Mathilda, son fusil à pompe qui ne lui servait qu'en de rares occasions. C'était elle qui avait tiré.
"Vous sembliez mal en point, fit elle nonchalamment. Je me suis dit qu'un coup de main même un peu brutal pourrait aider. Mais il parait que vous êtes plus résistant que vous en avez l'air, ça devrait vite s'arranger."
Elle rechargea son arme un petit sourire aux lèvres, réajusta son chapeau et tira dans un groupe d'ennemis leur arrachant ainsi des lambeaux de peau et dégageant le flan de Grey le temps que celui-ci se remette du tir. Écrou, le fidèle faucon continuait de semer la discorde dans les rangs, facilitant le travail de sa maîtresse, même si cela le plaçait bien souvent à portée de tir des pirates ennemis. Elle tira une nouvelle fois et abattit un homme dont la trachée allait recevoir une dague lancée avec adresse par Carter presque depuis l'autre bord du navire. L’arme continua sa route jusque dans une bulle antigravitationnelle créée par Crystal. Cette dernière s’en saisit au vol avec un réflexe d'une rapidité étonnante. Elle se retourna alors pour venir la planter dans le torse d'un pirate qui l'avait saisi par la jambe. Les gouttes de sang produite par la blessure flottèrent, reflétant la lumière du soleil. Et dans ce reflet, l'oeil exercé de la Vigie intercepta un mouvement. La dague fendit de nouveau l'air pour se ficher dans la nuque d'un lâche qui tentait de surprendre Lucky par l'arrière. Ce dernier se retourna surpris mais continua à faire parler la poudre de ses colts tout en grimpant dans les haubans. Il avait en effet repéré la cabine du capitaine ennemi et comptait bien en dénicher ce lâche. Crystal virevoltait toujours un coutelas récupéré sur un cadavre à la main et se battait contre une demie douzaine d'adversaires pris dans sa bulle. Elle se défie des deux premiers d'une fente à laquelle leurs gesticulations maladroites ne pouvaient rien. Elle désarma le suivant d'un habile tour de poignet puis l'envoya par dessus bord d'un coup de pied très mal placé pour la gente masculine. Elle fit face aux trois suivants, leur fit une légère révérence pour les narguer et au moment de les envoyer rejoindre un monde meilleur, une balle bien alignée perça successivement leurs trois crânes et un rire froid mais joyeux retentit. Lucky venait en se balançant au bout d'un morceau de voile déchiré, de voler les trois victimes qu'allait achever Crystal.
"Eh ! C'était les miens ! commença à râler cette dernière. Espèce de ..."
La suite se perdit dans une série d'explosions particulièrement violentes concoctées par Kasai. Lucky atterrit alors presque comme prévu sur le toit de la cabine du capitaine. Il sauta de celui-ci et fit sauter la serrure. "Oh tricheur ! "
Adieu le combat épique entre capitaines devant les équipages, une autre fois peut être, en effet, sur le fauteuil gisait le corps sans vie d'un lâche qui n'avait même pas eu le courage de se battre et de montrer l'exemple, pas même contre sa propre volonté puisqu'il avait choisit le curare pour mettre fin à ses jours. Sur ses genoux reposait un coffre ouvert contenant une jolie somme et un très beau compas dont le style ravirait certainement Dairiun. Un tel pactole pour un si piètre capitaine, Lucky n'eut aucun remord à s'en saisir. Quand il sortit de la cabine, c'était l'Apocalypse sur le pont. Les pirates adverses étaient en déroute, Neir et Crowley étaient venus prêter main forte à Nef, Kasai, Carter et Dairiun qui repoussaient les ennemis vers le flan de l'Elian. Dans une pulsion très rock Nef pris de l'élan et s'élança sur les genoux dans le verglas du pont, renversant ceux sur son passage à grand coup de guitare comme s'ils n'étaient que des vulgaires quilles. Ils les envoya ainsi rouler au ras du pont de l'Elian au pied du Cuisinier et de l'Architecte. Là, Neir et Crowley leur firent basculer une énorme marmite contenant un "subtil mélange" d'alcool à brûler, d'huile de friture et d'huile de moteur brûlantes. Lorsque cette mélasse toucha la peau des malheureux, l'odeur qui se dégagea donna à Crowley l'idée du repas du soir : porc rôti au caramel. Un d'entre eux plus dur à cuir que les autres (facile je sais), rampa en direction de Neir qui le reçut d'un fracassant coup de règle en métal sur la tête presque immédiatement suivi d'un "Désoléepardonjem'excuse!".
Le pont fut bientôt vide mais Mirayhu et Shadow pris dans leur sanguinaire ballet avaient décidé que le mot "survivant" ne s'appliquerait que pour les vainqueurs. Ils s'étaient déjà enfoncés dans les niveaux inférieurs du navire. Mais l'environnement est bien différent sous le pont. Il ne suffit plus seulement de trancher il faut aussi écouter, ressentir car ce navire était dépourvu de hublot pour en limiter la fragilité. Il faisait donc un noir d'encre. Mais les deux assassins étaient habitués à évoluer dans l'obscurité. Ils avancèrent en silence à l'affût comme des prédateurs traquant une proie farouche. Le reste des pirates s'étaient rassemblés dans une salle cachée par une draperie en embuscade. Mirayhu vit la porte au moment où Shadow entendit leurs souffles. Et dans le noir ils eurent un sourire carnassier. Les hurlements de souffrance s'entendirent jusque sur le pont, et la petite salle vit bientôt son sol se recouvrir d'un liquide épais et poisseux. L'odeur du sang emplit rapidement la pièce. Alors que Shadow en porta une goutte à ses lèvres, Mirayhu se baigna toute entière dans le liquide vital qui s'échappait encore de ces pauvres êtres. Le sang qui baignait la pièce n'appartenait toutefois pas seulement aux cadavres. Shadow déchira rapidement un morceau de la draperie, retira les trois dagues que des tireurs plus adroits avaient réussi à faire franchir le mur de lames que formait le duo, et pressa fortement le tissus contre les plaies en grimaçant. Il recommanda à Mirayhu de faire de même mais celle-ci le regarda avec de grands yeux et un sourire jusqu'aux oreilles :
"Mais ça pique même pas!"
Ils remontèrent ensuite faisant signe aux autres que tout était OK. Ce fut alors une sorte de fourmilière, le pillage des ressources pouvait commencer. Chacun mit la main à la pâte, les bobos pouvaient attendre. Lorsqu'ils eurent pris tout ce qui pouvait avoir de la valeur ils regagnèrent l'Elian. Seule Fenrir continuait à faire des aller-retours les bras chargés de plaques de cuivre ou de tuyaux, en train de désosser la totalité du vaisseau. Lucky était à la barre et en avait assez d'être maintenu par des harpons au second navire quand Kasai déboula de son laboratoire un énorme engin explosif dans les mains (supposé explosif la preuve n'était pas encore faite mais venant de la part de l'Artificier les votes était à 10 contre 1). Il le fixa précipitamment sur le pont ennemi et hurla :
"J'AI FOIRÉ LE COMPTE À REBOURS, ÇA VA PÉTER"
La pauvre Fenrir qui sortait des niveaux inférieurs les bras chargés d'engrenages courut en tâchant de garder un maximum de pièces mais elle perdait la moitié de son chargement à chaque mètre, ses précieux engrenages dégringolant autour d'elle. Lucky, Mirayhu et Shadow réagirent au quart de tour. Les deux derniers se précipitèrent vers les harpons, sautant d'un pont à l'autre pour trancher les amarres aussi vite que possible leurs lames fendant l'air. Une fois le dernier lien enlevé au moment où Fenrir sautait sur le pont s'étalant dans les engrenages qu'elle avait pu sauver, Lucky vira de bord pour s'éloigner au plus vite de l'autre bateau. A peine vingt secondes plus tard l'engin explosa réduisant le premier navire en cendres et provoquant un souffle tel que l'Elian tanga dangereusement et ne dut son salut qu'à l'adresse de son Capitaine.
Kasai, en observant son oeuvre, s’applaudit bruyament :
-Franchement ? Elle était sublime celle-ci, non ?
Fenrir, derrière lui, en tailleur sur le pont, râlait … Encore :
-Il en restait encore tellement …
Crowley discutait avec Neir de la règle que l’architecte avait tordu au cours du combat :
-Tu crois que c’est réparable ? Avait elle demandé avec une moue chagrinée.
-Oui, bien sûr. Je suis sûr que Shadow pourra faire quelque chose.
Le cuisinier eut un petit sourire pour l’architecte et celle-ci lui rendit, ses yeux pétillaient de plaisir :
-Je me suis bien amusée !
Par contre, voyant arriver Mirayhu, Neir s’éloigna, laissant le petit couple à leurs retrouvailles.
-Crowleeeeey ! Hurla l’archéologue en sautant dans les bras de son amour, lui faisant par la même occasion un câlin. Le pauvre cuisinier se retrouva à son tour couvert de sang et s’affola :-Mirayhu, c’est quoi tout ce sang ? C’est pas le tien, j’espère ?
La concernée rit :
-Mais non, c’est pas le mien, par contre j’ai bien travaillé. Je peux avoir des cookies ?
Pendant ce temps, Dairiun et Lucky s’étaient retrouvés, avaient chacun regardé l’état de l’autre, avaient eu un sourire complice et s’étaient époussetés, débarrassant leurs vêtements de la poudre qui s’y était déposée dans une synchronisation parfaite. Carter, en compagnie de Nef qui réparait sa guitare, et Crystal qui reconstituait son stock de fioles, recomptait ses couteaux.
Valorah et Shadow se désintéressèrent bien vite de tout ce petit monde en pleine effervescence et se concentrèrent sur ce qui leur tenait à coeur. La tireuse d’élite était occupé à caresser Écrou qui venait de rentrer tandis que Shadow avait regagné les haubans.
Grey, presque attendri, observait l’activité qui régnait sur le bateau quand il se rappela qu’il avait une dizaine de balles fichées dans le dos, et bien que la douleur avait disparu, il n’allait pas rester avec ça dans le corps. Il regagna donc son infirmerie et commença à s’auto-charcuter pour extraire les plombs qu’il avait dans le dos. L’opération ne dura pas longtemps et les cicatrices ne resteraient pas, en avait il conclu. Une fois terminé, il soupira d’aise et alla ouvrir la porte pour rejoindre le reste de l’équipage. Quelle ne fut pas sa surprise en découvrant devant sa porte la moitié de l’équipage qui patientait pour se faire soigner. En premier Mirayhu, que Crowley avait traînée derrière lui, pour quelques coupures qu’elle avait reçues un petit peu partout. Derrière eux, Dairiun et Carter, chacun d’eux arborait un merveilleux coquard et autres bleus et bosses. Le combat à mains nues comporte bien des risques. Enfin, Nef dont les mains étaient pleines d’échardes de guitare attendait pour se les faire enlever. Son pauvre instrument allait devoir faire un tour chez la mécano’. Grey eu un petit sourire blasé, il en aurait du boulot. Au moment où il s'apprêtait à faire entrer Mirayhu, Valorah arriva, Ecrou dans les bras. L’élégante jeune femme passa devant tout ses camarades, les grugeant ouvertement, son oiseau avait reçu quelques mauvais coûts et était, à ses yeux, prioritaire. Aussi la tireuse d’élite passa nonchalamment devant Nef, Carter, Dairiun et Mirayhu qui patientaient. Arrivée sur le seuil de la porte de l’infirmerie, elle s'arrêta pourtant, non pas parce qu’elle avait des remords, au contraire, elle donna un merveilleux coup de hanche significative dans le vide et reprit sa route. Le docteur, amusé, sourit et dit en fermant la porte derrière Valorah :
-La soirée risque d’être longue.
En effet, la fin d’après-midi fut longue pour le médecin et quand Nef quitta son cabinet, Grey se rendit compte qu’il y avait des membres qu’il n’avait pas vus. Soupirant, il réunit ses affaires et se dirigea vers les escaliers.
Sur le pont, Crowley était en train de distribuer des pintes de rhum à qui voulait. Kasai et Fenrir, déjà en train de boire, s’ésclaffaient. Assis en tailleur l’un en face de l’autre, ils s’amusaient à comparer le nombres de bleus, bosses ou coupures qu’ils avaient. Comme pour le nombre d'ennemis abattu, l’un valait l’autre. Au dessus d’eux, Shadow s’était installé dans les cordages et nettoyait amoureusement Requiem. Le forgeron, sans s’en rendre compte, gouttait. En effet, le morceau de broderie qu’il avait appliqué sur ses plaies était maintenant imbibé de sang et ne pouvait plus retenir grand chose.
Grey arriva sur le pont et, trouvant ceux qu’il cherchait, se plaça, les poings sur les hanches au dessus du duo :
-Je vais vous attendre encore longtemps ?Les deux concernés eurent un sourire coincé entre le défi et la gêne. Le docteur leva un sourcil :
-Vous n’y échapperez pas, descendez.
Abandonnant leur puérile bataille Kasai et Fenrir se levèrent et descendirent l’escalier. Grey, satisfait, allait les rejoindre quand une goutte carmin tomba à ses pieds. Il leva la tête et avisa le forgeron. Celui-ci, se sentant observé, regarda en bas et se rendit compte qu’il était en train d’en mettre partout. Devançant Grey, il prit la parole :
-Ca ira.Le docteur soupira de plus belle mais connaissant son compagnon, il savait que rien ne le ferait changer d’avis, alors il lui lança un onguent :
-Mets en toutes les demi-heures.
Shadow attrapa la fiole et hocha de la tête. Grey quitta donc le pont, il avait encore deux abrutis sur les bras.
Lucky, qui avait suivit l’échange depuis la barre afficha un demi sourire. La journée avait été particulièrement bonne. Il jeta un regard au coffre sous son pied, élargit son sourire et reporta son regard sur l’horizon. Cette journée mouvementée se finissait sur un coucher de soleil dont les rayons faisaient miroiter la neige et une délicieuse odeur de Porc rôti au caramel qui s’élevait des cuisines et Nef, assis sur le toit de la cabine du capitaine, qui commençait à gratter un petit air.“Je crois qu’on a un peu trop bu
Et que l’on s’est bien battu
Par l’avant des pirates sont venus
C’est Crystal qui les a vus
Et maintenant qu’ils sont vaincus
Ils l’ont profondéééééément dans le…”
La fin se perdit dans un ronflement sonore de Kasai qui se reposait avant de nouvelles aventures.
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