• Le rythme du changement

       CarterGage, Tango, Tangage

    Musique d'accompagnement

     

    "Il faut croire que rien n'est éternel. Ou plutôt, que tout peut toujours se créer. Que penser de ces rythmes nouveaux aux goûts de bonne humeur? D'aucuns parleraient de ces tapements de pieds comme d'indécences sur les pavés. Pourtant, tout change, rien n'est immuable. La musique d'autrefois laisse place à la musique d'aujourd'hui, sans pour autant disparaître de nos cœurs... Je me souviens avoir rit au nez de ma nièce quand elle avait ramené cette nouvelle invention révolutionnaire. Mais en ces temps de génies, plus grand-chose ne m'impressionnait... Pourtant, ce qui m'avait impressionné à ce moment précis, et bien, c'était... moi."
     
     
           -Tonton, mate un peu ça!! hurla Joséphina en ouvrant la porte à la volée, faisant sursauter Carter qui orna son manuscrit d'une fortuite et horripilante tâche d'encre.
           -Joséphina Amélia Louise Madelaine Wallaceldan, combien de fois devrais-je te répéter de frapper avant d'entrer?! s'énerva le pauvre chroniqueur.
           -Mais j'ai frappé!
           -Non, tu as enfoncé la porte, nuance.
           -Bref, on s'en fiche, c'est pas pour ça que je suis là! Regarde ce que j'ai ramené du Crystal Great Hall of Exhibitions! lança Jo avec enthousiasme en brandissant un petit engin.
           -C'est un... sonophone?
           -Ouais!! Et à ce qu'il paraît ça capterait des ondes invisibles! Les riches en ont tous une, à ce qu'on m'a dit. Alors j'me suis dit, pourquoi pas tonton?
           -Déjà, le "tonton" tu le laisses dans ta gorge, et ensuite : va rendre ton larcin tout de suite.
           -Mais le type en avait plein! se plaignit Joséphina.
           -Ce n'est pas une raison!
           -Bon, d'accord... mais d'abord écoute un peu ça!
           Et sur ces mots la jeune fille enfonça son doigt sur une des touches de l'engin moderne.
           Et soudain une musique très moderne retentit dans la pièce, une musique un peu chaotique, rythmée et sur laquelle dansaient les jeunes gens de façon très étrange...
           -Qu'est-ce... que... c'est... que... ça...? articula Carter avec un air consterné.
           -C'est génial, hein? Ils appellent ça le Charleston! Y'a plein de bars qui ont installé des espaces pour danser dans leurs salles, et ils diffusent cette musique. Je trouve ça génial, ça me donne envie de danser, pas toi tonton?
           Jo se mit à danser comme les jeunes d'aujourd'hui, pliant et dépliant ses jambes en rythme à toute vitesse, faisant des mouvements comiques aux limites du ridicule avec ses mains et ses bras.
           -Ah, j'ai compris. C'est un nouveau piège c'est ça? sourit Carter de façon sarcastique. Tu cibles les blessures psychologiques maintenant?
           La jeune fille leva les yeux au ciel.
           -C'que t'es bête quand tu t'y mets! Allez, dansons, dansons! lança Jo en se saisissant des mains de son oncle et en l'entraînant dans une danse anarchique au milieu du bureau.
           -Jo, arrête-ça! lui lança Carter d'une voix lasse.
           -Allez, lâche-toi un peu! Regarde-toi tonton, tu t'amuses pas, toujours plongé dans ton boulot... tu me fais plus pitié que les pauvres qui font la manche!
           -J'te ferais remarquer que toi comme moi l'avons déjà fait, la manche.
           -Justement! Tu trouves pas que cette musique te fait oublier tout ça? On a l'impression que c'est l'espoir qui chante!
           -Ouais, et les chœurs, c'est ses amis Félicité et Insouciance qui les font, c'est ça? railla le jeune chroniqueur.
           Jo s'arrêta un instant, et adressa un sourire malicieux à son oncle.
           -Tu crois pas si bien dire...!
           Soudain, la porte s'ouvrit une nouvelle fois à la volée, mais cette fois sur Mr. O'Warren.
           -C'est la mode de claquer les portes maintenant? soupira Carter.
           -Cette musique... fit le père adoptif du chroniqueur en fronçant les sourcils.
           -C'est Joséphina qui a ramené ça, personnellement je m'y oppose...
           -C'est génial!! s'exclama Mr. O'Warren avec un large sourire.
           Il y eut un bref silence.
           -Pardon? lâcha Carter en arquant un sourcil, craignant avoir mal entendu.
           -Je ne savais pas que tu aimais ça, fiston! C'est bien de s'adapter aux nouvelles modes!
           -Je viens de dire que...
           -N'est-ce pas monsieur? le coupa Jo avec un grand sourire à l'intention de Mr.O'Warren. J'ai vu qu'ils ouvraient un bar dansant à côté, on pourrait y faire un tour...
           Carter fusilla sa nièce du regard, et cette dernière lui renvoya un sourire angélique. Décidément, cette petite était douée aussi bien de ses mains que de sa tête...
           -Excellente idée! approuva avec enthousiasme le père adoptif de Carter. Carter, je voudrais que tu t'y rendes ce soir pour investigations! Tu rédigeras un article dessus pour après-demain. Je vois déjà les titres... "La Musique de demain éclabousse les pavés!", ça a du standing, vous trouvez pas?
           -Mais j'avais rendez-vous avec Ariane ce soir! répliqua vivement Carter, offusqué.
           -Amène-la avec toi, rétorqua Mr.O'Warren avec un sourire jovial.
           -Amène-moi aussi tonton! fit Joséphina avec un sourire faussement innocent.
           -Toi, tu mériterais de rester ici pendant une semaine... grinça Carter, qui finalement dû se plier aux exigences de son père adoptif.
           Quelques heures plus tard, ils étaient sortis des locaux du journal.
     
     
           -Carter! appela Ariane en courant vers son fiancé.
           -Bonsoir mon amour, répondit le jeune chroniqueur avec un sourire sincère.
           -Je ne suis pas en retard? Quand on m'a prévenue que finalement on se retrouvait là, j'ai pensé que la tenue que j'avais prévu n'était pas adapté, et j'ai couru en acheter une plus conforme...
           Et en effet, Ariane n'était pas vêtue d'une de ses habituelles robes somptueuses de dentelles et de lacets, mais d'un élégant chemisier à manches longues et d'une jupe noire qui lui descendait jusqu'aux genoux et était  retenue par des bretelles. Des bas noirs remontaient le long de ses jambes et ses pieds étaient chaussés de jolis escarpins noirs. Elle avait ajouté une touche d'élégance plus significative de sa situation sociale en la présence d'un ruban noir autour du col de sa chemise et d'un serre-tête également noir. Vêtue ainsi, la délicieuse Ariane avait tout d'une jeune femme de classe moyenne voire légèrement défavorisée. En tous cas, elle était bel et bien "conforme" à ce milieu de jeunes dépravés...
            Carter, lui, estimant qu'il allait dans un lieu de débauchés, n'avait pas vraiment fait d'efforts et avait gardé son pantalon de costume retenu par des bretelles et sa chemise à manches longues blanche.
           -Tu es très belle, la complimenta-t-il.
           -Merci, sourit Ariane. Toi aussi ça te va bien! Et tu es très jolie aussi Joséphina!
           -Merci!
           Jo abordait une tenue similaire à celle d'Ariane, à la différence que ses chaussures étaient des souliers à boucles et qu'elle avait des chaussettes courtes au lieu de bas.
           -Bon, ben, entrons... soupira Carter en poussant la porte du bar dansant.
           Le jeune chroniqueur fut immédiatement choqué par l'ambiance qui régnait dans le lieu. Pas d'ivrognes, pas de femmes dénudées, juste des gens qui dansaient comme si leurs vies en dépendait sur la piste de danse, accompagnés de rires et de tapements de mains.
           -Ouaaah, c'est trop cool ici!! s'exclama Jo, émerveillée.
           Et sur ces mots, la jeune fille fila rejoindre les danseurs au milieu de la musique rythmée.
           -Jo, reviens! l'appela Carter.
           Mais il était trop tard : sa nièce s'était déjà mêlée aux jeunes gens et riaient en dansant avec eux.
           -Cette gamine m'enterrera, j'en suis sûr... soupira Carter en se passant une main sur le visage. Mais au fait Ariane, tu es sûre que ça ne te dérange pas? Ce n'est pas très approprié pour une personne de ta qualité...
           -Carter, ce leitmotiv devient agaçant, sourit Ariane. J'irais où tu iras. Quant à ce lieu en particulier, c'est un peu pittoresque mais c'est sympathique. ça me plaît, ajouta le jeune femme avec un sourire angélique.
           Le jeune chroniqueur se sentit fondre, et il toussa dans son poing pour dissimuler son rougissement.
           -Ahem, bon, et bien, restons looooin de cette musique, et...
           -Tu ne veux pas danser? s'étonna Ariane.
           -Sur cette musique? Ne me dis pas que tu veux y aller?!
           -Tu ne veux pas? demanda la jeune femme avec une mine attristée.
           -Bon euh... d'accord, allons-y... céda Carter en hurlant intérieurement.
           Une minute plus tard, les deux fiancés dansaient en tentant d'imiter les autres danseurs.
           -C'est difficile mais c'est amusant! lança Ariane en riant, alors qu'ils tentaient une passe.
           -Mouais... bougonna Carter en réceptionnant sa fiancée et en la faisant tourner.
           Finalement, peut-être que le jeune homme s'était trompé, en fin de compte...
           Quand Ariane fit une pause, Jo se saisit de son oncle qui allait en faire autant pour l'obliger à danser avec elle. Devant l'insouciance de sa nièce qui s'amusait sincèrement et riait de bon cœur, Carter ne put que baisser les bras et se laisser aller à cette musique entraînante et dynamique.
           -Alors? Tu te sens pas plus léger tonton? demanda Joséphina en dansant.
           Carter lâcha un "tss!", mais il ne pouvait se mentir.
           -Ouais... sans doute, finit-il par lâcher.
           Jo rit et Ariane vint récupérer son fiancé. Ils dansèrent toute la nuit, et ce n'est que très tard que le couple et la jeune fille rentrèrent chez eux.
           -J'ai passé une excellente soirée, il faudra qu'on y revienne! s'exclama Ariane avec enthousiasme alors qu'elle se séparait de son futur mari.
           -Avec plaisir, sourit Carter.
           Le jeune chroniqueur et sa nièce suivirent le carrosse d'Ariane des yeux quelques minutes, puis ils rentrèrent de leur côté.
           
            Carter était sûr maintenant : son entêtement avait été ridicule. Parfois, il était bon d'accueillir un peu de nouveauté dans sa vie. Le Charleston en faisait partie, cette musique qui faisait oublier tous ses soucis pour se plonger dans la bonne humeur et l'insouciance ne serait-ce que le temps d'une soirée...
     
           -On remettra ça tonton! lança Jo avec enthousiasme.
           Carter sourit.
           -Ouais. Pour sûr!


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :