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La visite d'un vautour.
La visite d'un vautour.
La nuit était bien avancée, et dans l'ombre, un homme à la carrure d’athlète se mouvait, rejoignant une auberge dans laquelle on pouvait aisément bien se sentir. Il avança alors, capuche sur la tête, puis sourit en voyant l'enseigne de son lieu de rendez-vous. Il s'arrêta un instant, se demandant si elle avait aussi remarqué le nom du lieu. Il espérait que oui, car le cas contraire l'aurait étonné. Il poussa le lourde porte de son bras mécanique, avant d'entrer et de se diriger directement au bar, là où l'on pourrait lui donner les renseignements qu'il souhaitait. Une hôtesse arriva, tout sourire, elle était bien jolie, quoi que blonde, hors de ses goûts. Elle lui demanda ce qu'il lui fallait, il lui répondit qu'il lui fallait une chambre, du moins la personne qui se trouvait à l'intérieur. Il donna un nom, elle lui indiqua le numéro de la chambre, puis où la trouver. L'homme faillit éclater de rire en entendant le numéro, ce n'était pas le première fois que le jeune homme qu'il cherchait demandait ce chiffre. Un chiffre porte bonheur peut-être ? Quoi qu'il en fut, il se dirigea vers la chambre, d'où on pouvait entendre des rires et quelques gémissements. Il frappa bruyamment, avant d'entrer sans même attendre qu'on lui donne la permission. La jeune fille présente sursauta en criant de surprise et de stupeur, mais voyant qu'il lui ouvrait grand la porte, lui faisant signe de s'éclipser, elle n'hésita pas une seule seconde. Elle ramassa ses affaires, laissant le drap sur le lit, avant de quitter la pièce en trottinant, encore nue. Fermant la porte, l'homme sourit en hochant la tête.
« Vous avez toujours eu un goût prononcé pour les jolies brunes, monsieur Matthews.
- Ma préférée m'a laissé sur ma faim, Mylord. »
Timothy se redressa légèrement, se couvrant une jambe avec le drap, couvrant par la même occasion sa nudité, laissant l'autre pliée à l'air libre. Il mit un bras derrière sa tête, tout en regardant l'homme à capuche se déplacer dans sa chambre. Il ne l'appréciait pas, et c'était peu dire. L'homme qui marchait enleva son capuchon de sur sa tête, laissant voir qu'il était bien coiffé, et qu'il semblait bien habillé. Prompt à avoir participé à un événement festif, tel qu'un bal. Timothy se demanda alors si Lord Cavendish, son invité du soir, s'était rendu au bal, et si Valorah l'avait croisé. Ceci-dit, si elle l'avait croisé, elle n'aurait pas été si désarmée quelques heures plus tôt. Polonius, car tel était le prénom du lord, s'approcha de la baignoire, glissa son majeur dedans pour constater qu'elle avait été remplie. Il regarda son hôte en arquant un sourcil, ce dernier lui répondit avec un haussement d'épaules qui frôlait la désinvolture.
« Vous avez perdu tout sourire, monsieur Matthews.
- Et ça vous étonne, Mylord ? »
Polonius se mit à rire à gorge déployée. Il tenait Timothy, et n'était pas prêt à le lâcher. En effet, une petite année auparavant, le jeune homme avait faillit s'inscrire dans l'entreprise que dirige secrètement lord Cavendish. Tim projetait d'offrir son corps à cette drôle de science, pensant qu'il allait être rémunéré. Se rendant compte que c'était lui qui manigançait la chose, il voulu tourner les talons, mais le lord l'avait rattraper. Son entreprise devait rester secrète, pour le bien du monde, mais aussi pour celui de Valorah, son père, et lui même. La jeune femme au chapeau avait parlé grandement de Timothy à Polonius, lui apprenant notamment qu'il avait une petite sœur dont les médecins peinaient à savoir ce qu'elle avait. L'homme au bras mécanique fit donc un marché au jeune homme ; en échange de ses services il allait être non seulement rémunéré, mais en plus il pouvait offrir un traitement pour sa sœur mourante. Face à ce dilemme, Tim accepta sa proposition. Il promit donc de cacher ce qu'il savait à propos de Cavendish, à Valorah. Et pour ça, il se détestait plus que tout. Son plus grand rêve dans la vie était sans doute de pouvoir fonder une famille avec sa brune, vivre dans une belle maison et avoir une agence de services à gage. Un rêve simple, un rêve niais, il le savait, mais il était persuadé que cela pouvait le rendre heureux, il pourrait quitter sa vie. Mais il avait mis les pieds dans des sables mouvants, s'enfonçant de plus en plus chaque jour, à partir du moment où il avait accepté la proposition du lord. Car il savait que le jour où Valorah apprendrait qu'il était au courant, il allait la perdre. Elle avait une confiance aveugle en lui, et il se permettait de la trahir ainsi, il se considérait comme un pauvre type.
« Savez-vous si Valorah était présente aux festivités de ce soir ?
- Mylord, c'est mal la connaître de poser cette question. Par ailleurs, la fête était donnée en l'honneur du navire dans lequel elle a embarqué.
- Y était-elle ?
- Dans une magnifique robe en mousseline bleue roi.
- Oh… C'était donc elle qui faisait partie du couple de danseur… Et quels danseurs !
- Je l'ignore, je n'étais pas présent au bal. »
Timothy était empli de mépris, mais il devait bien un jour où l'autre faire son rapport à son employeur.
« Comment va-t-elle ?
- Bien.
- Elle avait l'air troublée pourtant, lorsque je l'ai croisée tout à l'heure…
- Pensez-vous réellement que Valorah appartienne à ce genre de femmes qui vous dit tout sans la moindre hésitation ?! Je me demande réellement si vous la connaissez vraiment.
- Dois-je vous rappelez que vous devez me dire tout ce que vous apprenez d'elle ? Une vie dépend de vos agissements, jeune homme.
- L'Elian, fit Tim entre ses dents, la mâchoire serrée, est un navire de mercenaires. Ils se battent pour la paix dans les airs.
- Vous ne m'apprenez rien là, monsieur Matthews.
- Et elle est heureuse à bord, entourée de nouveaux amis qu'elle semble apprécier. »
Timothy connaissait la haine que pouvait apporter Polonius aux pirates, c'était pourquoi il lui cachait la vérité à propos de l'Elian. Et comment le jeune homme savait à propos de la piraterie de sa brune ? Elle lui en avait parlé, avant que l'Elian quitte pour de bon Vanc'iôm, la ville où ils habitaient à la base. Et Cavendish resta perplexe devant les quelques nouvelles que lui apportait son employé, ça ne lui suffisait pas, mais il devait bien reconnaître que les informations étaient parfois difficiles à soutirer à Valorah. Il commença d'ailleurs à farfouiller dans les tiroirs de son hôte, à la recherche de thé ou même de café. Il finit par lui demander s'il en avait, pour avoir une réponse négative, relativement molle. Timothy n'y mettait pas du sien, pour quoi faire, étant donné qu'il ne pouvait pas s'encadrer le portrait de l'homme au bras mécanique ? Ce dernier le regarda en arquant un sourcil, lui demandant s'il ne voulait pas se mettre quelque chose sur le dos. Cependant, sa demande sonnait plus comme un ordre qu'une requête. Ce fut en soupirant que Tim se leva du lit, prenant soin d'enrouler ses hanches dans le drap avant de se diriger vers l'armoire de la chambre pour attraper de quoi se vêtir ; un pantalon et une chemise.
« J'ai vu la petite Lisa, il y a quelques temps.
- Comment se porte-t-elle ?
- A merveille. Tant qu'elle prend le traitement que je lui procure. Je ne comprend d'ailleurs pas pourquoi elle se méfie tant de moi.
- Et ça vous étonne ça aussi ? Nous n'aimons pas les hommes de sciences dans cette fratrie.
- Et pourtant vous décidez tout de même de travailler pour l'un d'entre eux.
- On gagne de l'argent facilement comme on peut. Et ce n'est pas comme si j'avais eu grand choix. »
Timothy était froid, il supportait mal que l'homme qu'il méprisait plus que tout puisse approcher autant de sa cadette. Finissant de boutonner son pantalon, Tim lui demandait s'il lui fallait autre chose, il n'avait qu'une envie ; que Cavendish s'en aille de sa chambre et ne pas le revoir de si-tôt. Le lord s'approcha de la fenêtre de la chambre, son regard perdu au dehors, puis il lui demanda de lui parler d'elle, ce qu'il s'était passé lors de cette soirée. Le jeune homme arqua un sourcil, il était agacé que son invité reste autant. Mais il accéda à sa requête, et lui raconta comment ils s'étaient rencontrés durant le match de boxe. Il lui raconta également que tous deux avaient profité de la baignoire avant de se reposer quelques minutes au lit. Il lui raconta également comment Valorah partie, sourire sur le visage suivit par une embrassade amicale. Il ne lui raconta pas qu'elle s'était baignée seule, qu'elle avait été la seule à dormir et qu'elle lui avait offert un baiser passionné. Timothy se devait de garder quelques informations secrètes, surtout si celles-ci pouvaient se montrer utilisables contre lui. Oui, il pouvait raconter ce qui l'arrangeait, du moment que ça s'approchait un peu de la vérité. Cavendish n'avait, de toute façon, aucun moyen pour vérifier ses propos, il n'y avait eut aucun témoin.
Soupirant, Polonius se retourna vers Tim, et le remercia pour ce qu'il lui avait dit. Il était content que sa Valorah puisse être heureuse, mais jaloux qu'elle profite de la jeunesse du garçon. Il se décida enfin à quitter son employé, lui faisant des recommandations, telles que de ne pas s'approcher trop de la jeune femme, car elle méritait mieux que Tim. Ça, il le savait bien, quoi qu'il doutait fort qu'un homme arrive jamais à la satisfaire pleinement. Non pas qu'il s'en sentait capable à cent pour cent, mais il pensait être le plus apte à subvenir à ses besoins, pour le moment. Le jeune homme trépignait d'impatience, il attendait qu'enfin le lord se décide à quitter la pièce et fermer la porte. Ce qu'il fit quelques instants plus tard.
Voyant son lord partir, Timothy se précipita à sa valise, où y était rangé avec soin des roses bleues. En enveloppant une dans du tissu, il alla jusqu'à sa fenêtre, pour l'ouvrir et enfin se retrouver sur un petit pan de toit. Il sauta dans la rue, se rattrapant tel un félin qui était habitué à se mouvoir sur les toits des villes, avant de partir en courant en direction de la salle de bal. Il ignorait où Cavendish allait, mais il fallait qu'il aille livrer sa rose. Laissant sa chemise voleter au grès de sa vitesse, il avait envelopper la rose bleue de telle sorte que les pétales ne souffrent pas du voyage. C'était une variété plutôt rare, la spécificité de celles-ci étaient qu'elles avaient le bout de leurs pétales comme s'ils avaient été peints en cuivré, de plus ils laissaient une étrange teinte sur les doigts, avant de vous faire sombrer dans le sommeil. Rien de bien méchant, et elles étaient naturelles ! La seule variété qu'il avait trouvé à Vanc'iôm, c'était celles que parvenait à faire pousser sa mère. « Beaucoup d'amour et de tendresse, chéri ! Mais surtout énormément de patience...» Lui disait-elle, à chaque fois qu'il lui avait posé la question. Un jour il s'était essayé à les faire pousser, prenant la terre qu'utilisait sa mère, se trouvant sous une latte du plancher de leur maison. Cela lui avait pris des mois à en faire pousser une seule, mais il y était parvenu. Et il la portait à présent entre ses mains. Ses roses avaient également la particularité d'être relativement résistante au temps un fois coupées.
Apercevant enfin l'Elian, Timothy s'arrêta. Il souffla un long moment en regardant les différents hublots et fenêtres qui parcouraient le navire. À un moment, il s'approcha de la corde qui pendait encore, peut être que les pirates n'avaient pas tous rejoint le bateau encore… Mais il se ravisa, et s'éloigna un peu, regardant un des hublots qui n'avait pas été fermé. Il ferma les yeux un instant, hésita, avant de murmurer « Écrou. ». Quelques secondes après son chuchotement, il vit le faucon sortir du hublot, vrillant avec toute la grasse du monde. Oui, c'était un oiseau remarquable. Sachant que celui-ci n'avait pas fait le déplacement pour rien, Tim se contenta de lever la rose en l'air, que l'oiseau attrapa à la volée avec énormément de délicatesse. Le jeune homme vit l'oiseau vriller à nouveau pour entrer dans le navire. Il attendit une vingtaine de secondes avant de tourner les talons et entamer sa marche de retour. Après qu'il ait fait une dizaine de pas, il vit une ombre sur le sol qui lui fit lever la tête et tendre les bras. Écrou portait un objet, qu'il lâcha une fois qu'il vit le jeune homme prêt à réceptionner son colis, avant de repartir d'où il était venu. Timothy eut un large sourire en reconnaissant l'objet en question, il ne l'avait jamais vu auparavant, mais ça ne l'étonnait pas d'elle, qu'elle lui fasse ce genre de cadeau en retour. Il vissa alors le chapeau qui était tombé du ciel sur sa tête, une merveille, aussi raffinée que masculine. Pourtant, il ne se décida pas tout de suite à lire le petit mot qu'avait laissé Valorah. Le chemin du retour se fit tout de même rapide, et il entra dans sa chambre comme il en était sortit ; par la fenêtre. Enfin, il déplia le morceau de papier, lisant le message, et faisant naître sur son visage un merveilleux sourire, aussi doux que tendre.
« Sept, le nombre de plumes sur cet ouvrage,
Sept, le nombre sur la porte de ta chambre
Sept, le nombre de pattes au loup de l'auberge,
Sept, le nombre de minutes que tu aurais du attendre.
Tu risque d'attraper froid, couvre au moins ta tête.
Avec tout son amour, Ta Rose. »
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