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Rencontres
Elle ne pensait pas faire ça à la base. Ce n'était pas vraiment prévu. Elle visitait juste le bateau et divaguait dans les couloirs sans oser faire quoi que ce soit. Elle jetait de temps en temps un coup d’œil au travers du hublot. Mais elle ne rentrait pas dedans, cela aurait été irrespectueux. Mais là… Là c’était différent. La pièce lui parlait, l’appelait presque. Elle se serait mise des baffes d’essayer ainsi de justifier son acte par des raisons quasi mystiques. Enfin, toujours est-il qu’elle poussa la porte et entra là dedans.
C’était… Le bordel. Comme dans une forêt, des chemins se dessinaient au milieu des obstacles et s’enfoncer dans la salle devenait difficile. Mais c’était si drôle. Elle avait l’impression de se trouver dans un cabinet de curiosité. Kasai, lui, revenait de la cale et arrivait devant son laboratoire. C'est à ce moment là, qu'il vit qu’elle y était entrée.
«Bonjour, à ta place je ferais gaffe c’est un peu le bordel, dit-il, tu as besoin de quelque chose ?»
Il espérait qu’elle était venu pour le voir, et il avait besoin de s’excuser auprès d’elle. Sa réaction l’avait surpris, elle venait de sursauter à son entrée et maintenant, elle le regardait avec un peu de méfiance. Cependant, bien vite elle reprit sa contenance et reporta son attention sur les objets.
«Je suis désolée, je ne pensais pas que c’était chez toi. Je vais sortir.»
Elle aurait aimé se mettre en action, mais il était devant la porte. Elle le regardait à travers un meuble vitré, ne voyant qu’un reflet déformé.
«Ce n’est pas interdit de rentrer dans mon labo’ mais personne ne le fait car c’est toujours un peu dangereux à ce qu’il paraît ! Tu peux visiter autant que tu veux.»
Il voulait qu’elle reste pour qu’il puisse s’excuser mais il ne savait pas comment aborder le sujet surtout lorsqu’elle avait ce regard.
«Tu veux des renseignements sur le bateau ?»
Elle ne répondit pas tout de suite. Elle cherchait à se détendre en posant son regard partout sauf sur lui. Venesiaa avait le souffle court à cause du stress et ne rêvait que d’une chose, s’en aller.
«Pousse toi, s’il te plaît.» Elle avait parlé calmement, atone. «Je ne veux pas rester pour l’instant alors laisse moi m’en aller.» Sans s’en rendre compte ses yeux s’étaient posé sur lui. Sur son col plus précisément. «Je reviendrais si tu veux, mais plus tard.» Elle chuchotait à présent. Pourquoi avait-elle dit ça ? Elle n’en avait aucune idée mais au fond d’elle même, elle savait que ce serait le cas. L’endroit l’avait touché. Elle reviendrait.
«D’accord» dit-il d’une petite voix. Il n’avait pas l’habitude de se retrouver dans ce genre de situation, il n’arrivait pas à savoir quoi faire et comment. Il s’écarta et elle passa rapidement devant lui. Son bras le frôla alors qu’elle sortait, il envisagea de l’arrêter mais elle s’échappa sans bruit. Ses pas résonnèrent dans le couloir alors qu’elle s’enfuyait. Kasai l’écouta s’éloigner et ressentit une certaine tristesse de la voir partir.
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Elle hésitait à nouveau. Cela faisait plusieurs fois qu’elle venait jusqu’à la porte et finalement s’enfuyait avant d’avoir ne serait-ce qu’essayé. Cette fois-ci, elle inspira un grand coup et leva la main pour frapper à la porte. Mais celle-ci retomba avant même d’avoir effleurer le panneau de bois. Elle regarda à travers le hublot. Avec un peu de chance, il n’était pas là mais, elle l’aperçut de dos, penché sur son travail. Elle ne frappa pas et se faufila dans la pièce sans bruit, en espérant qu’il ne la remarque pas. Ce ne fut pas vraiment le cas. Kasai sentit le courant d’air dans son dos et se retourna la main sur son arme, personne ne rentrait dans son labo sans frapper surtout quand il travaillait. Il se détendit immédiatement en voyant la jeune femme.
«Bonjour Venesiaa» la salua-t-il.
Elle-même s’était crispée lorsqu’elle avait vu sa main aller rapidement vers cet objet de mort. Venimeuse malgré elle, elle siffla :
«Ne pointe pas ce truc sur moi…»
Elle ne supportait pas l’idée que cet homme ait cette chose entre les doigts.
«Excuse moi… Les reflex ont la vie dure…» dit-il tout en rangeant son arme dans son holster. Elle réagit aussitôt comme s’excusant.
«Non, ne t’inquiète pas. Continue, ne fait pas attention à moi.» Elle se mordit la lèvre inférieure et se tourna finalement vers le fatras qui encombrait un bureau sur sa droite. Kasai arrêta son expérience et réfléchit à comment relancer la conversation :
«Je tenais à m’excuser de ne pas t’avoir reconnu le soir où tu es arrivée sur le bateau… Je n’ai pas vraiment fais gaffe…»
Il sentit un poids s’enlever de sa poitrine une fois qu’il eut prononcé ces mots. En effet, cela le perturbait depuis ce fameux soir. Mais cela n'eut pas vraiment l’effet escompté. Elle se retourna vers lui et la froideur dans sa voix sembla le glacer :
«Je ne veux pas de tes excuses. Il ne sait rien passer et tu dois me confondre avec quelqu’un d’autre.» Elle se referma sur elle même plus hermétique qu’une huître. «Je vais m’en aller.
- Je ne voulais pas te vexer.... Tu peux rester si tu veux…, Comment se passe la vie sur le bateau pour toi ? On arrivera bientôt à la Cité des Sept normalement.»
Elle tressaillit. Il n’avait aucune raison de s’inquiéter pour elle et elle se méfiait de ce qu’il allait bien pouvoir lui dire. Mais elle se ravisa finalement.
«D’accord, je reste ici pour l’instant.»
Elle se détourna définitivement de lui et se pencha sur sa librairie qui avait un intérêt discutable pour un néophyte en chimie. Elle ne s’attarda même pas sur les différents livres détaillants les armes par type, classe, dégâts et autres. Elle était un peu trop confiante en l’instruction de Tant’Mel’ pour prendre le temps d’être curieuse.
Kasai était content qu’elle reste, il décida de continuer la conversation :
«Tu ne m’as pas dit comment se passe la vie sur le bateau ? Tu t’y sens à l’aise ?
- Elle passe. C’est le principe d’une vie et du temps.»
Elle restait concentrée sur les livres et en tira un.
«Certes mais tu aimes bien le bateau et l’équipage ?» voyant qu’elle avait attrapé un livre il enchaîna, «Tu t’intéresses aux livres ?
- Nan, je sais pas lire, je regarde juste les images.»
Elle avait dit cela très sérieusement sans une once d’ironie dans sa voix. Elle tournait maintenant les pages une à une rapidement.
«Tu ne vas pas trouver beaucoup d’image là dedans même si je doute que tu ne saches pas lire…»
Elle ne levait toujours pas les yeux de son livre et se mit à arpentait la pièce. Elle continua : «Ah, tu doutes ?»
L’ironie se fit sentir cette fois-ci. «Je me demandais si des fois tu te remettais en question, mais il semblerait que ce soit le cas.» Le livre se referma en claquant.
«Haha ! Je n’aurais pas de réponse à ma première question je suppose… Tu comptes rester avec nous ou partir une fois arrivée à la Cité des Sept ?»
Il espérait qu’elle resterait, son comportement était étrange et il avait envie de mieux la connaître. Mais cela promettait d’être difficile si elle n’y mettait pas un peu du sien. Hors a priori, elle ne semblait pas être prête à en mettre. Elle ne le regardait toujours pas et remit le livre à sa place. Elle le trouvait plus qu’étrange et plutôt coriace. Elle n’était pas sûre d’avoir envie de se réconcilier avec lui. Plus il faisait des efforts et plus il l’exaspérait et la poussait à bout. Elle serra les doigts sur son ombrelle et son visage se crispa. Son orgueil la tuerait un jour.
«Je ne sais pas ce que c’est que la citée des sept, mais étant donné la gêne que je crée sur le bateau, je descendrai sûrement à ce moment-là.» Elle tremblait un peu mais se reprit et se remit à marcher.
«Et puisque tu insistes autant, j’occupe mes journées en faisant de la couture.» Pour la première fois, elle sourit. «De la grosse couture…
- Tu ne gènes personne sur le bateau… Si tu parles de Fenrir, son comportement est bizarre elle n’a jamais réagi comme ça… De la grosse couture dans quel sens ?»
Elle se tourna brutalement vers lui et cria presque :
«Je ne parlais pas de Fenrir !»
Ça y est, elle pleurait presque. Elle se détourna de lui et s’enfuit par la porte.
«Attend Venesiaa ! Pourquoi tu t’enfuis ?» dit il en essayant de la rattraper. Elle s’arrêta, mais ne se retourna pas. Elle n’avait aucune envie de lui répondre et surtout pas avec la voix qu’elle utilisa :
«Idiot ! Laisse moi.
- Qu’est ce qui te mets dans cet état ?» demanda-t-il ne comprenant pas sa réaction si violente.
Elle essuya ses yeux d’un revers de la main. Sa voix se fit plus ferme, plus assurée. «Rien.» Sa voix était douce, calme et posée. «Tu as raison, ce n’est rien.» Elle se tourna vers lui et sourit. «Je m’emporte pour rien.» Elle se tenait à son ombrelle comme à une canne. «Je dois être fatiguée.» Elle rit. «Je vais aller me reposer.» Kasai l’attrapa par la main et lui dit en la regardant dans les yeux :
«Je suis sûr que tu es la fille que j’ai vu avant le bal, je m’excuse de ne pas t’avoir reconnue quand tu es arrivée sur le bateau…»
Elle allait pleurer. Maintenant c’était sûr. Mais l’image de sa tante, droite et digne lui interdisant de montrer ses émotions lui fit retrouver sa maîtrise. «Ce n’est pas grave, ne t’inquiète pas.»
Elle sourit amicalement mais dans sa tête elle lui en voulait et elle s‘en voulait de lui en vouloir. Elle savez qu’elle avait réagi avec trop d’impulsivité et d’émotions. Mais la déception, qu’elle n’aurait pas du avoir, était très grande. Elle ne se l’expliquait pas d’ailleurs. Il avait vu les yeux de Venesiaa devenir tristes mais ça avait été très furtif. Il décida de ne pas en faire la remarque, elle lui parlerait si elle en avait envie.
«Je m’excuse quand même, et sache que tu es la bienvenue sur le bateau si jamais tu a envie de rester.»
Et dans un souffle il lui ajouta : «J’aimerais bien moi…»
En entendant ces derniers mots, Venesiaa sentit ses joues virer au rouge vif. Se rendant compte que sa main était restée dans celle de Kasai, elle la retira vivement. Elle attendit plusieurs secondes avant d’oser ouvrir à nouveau la bouche. «Je… C’est très gentil… Je n’y ai pas encore réfléchi. Mais pourquoi pas ?»
Elle avala sa salive n’osant même pas sourire. «Écoute, je prends le temps d’y réfléchir et on en reparle plus tard, d’accord ?» Elle commença à reculer et fut sauvée par le gong. Nef semblait être à le recherche de Kasai et l’appelait sur le pont. Il lui fit un sourire et partit voir pourquoi Nef avait besoin de lui. «J’ai été content de parler avec toi, à plus tard. Tu peux rester dans le labo’ si tu en as envie mais fais attention aux produits…»
Suite Venesiaa : ici
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Commentaires
Une timide romance s'installerait telle entre nos deux protagonistes? :D